La morale du travail
Le syndrôme du larbin
Que se trame-t-il dans la tête de ces héros du boulot? Pourquoi faire plus que ce pour quoi ils sont payés? Pourquoi défendre les règles de son entreprise, même quand elles sont ridicules ou qu'elles n'ont aucun intérêt dans une situation donnée? Pourquoi se battre pour son patron, son manager, son supérieur, son chef? Puis lorsqu'arrivent élections, pourquoi voter pour les riches, et défendre les intérêts de ceux qui nous exploitent?
Cette ténacité du travailleur mal-payé, digne dans l'effort, énervé par les “assistés”, les fraudeurs, les mendiants et les marginaux de tout bord... serait-elle un symptôme d'une maladie banale, le syndrôme du larbin?
Une fois posé le premier pied sur l'échelle de l'ascension sociale, nous avons souvent l'illusion de pouvoir grimper plus haut. Cette idée, ainsi que le simple accomplissement d'avoir intégré le monde du travail nous remplissent d'une fierté qui nous rapproche, du moins dans notre tête, de celles et ceux qui sont mieux loti-e-s que nous. Nous nous disons que l'ascenceur social n'est pas en panne finalement, que ceux qui ne bossent pas sont des fainéants. Nous rechignons à lâcher un sou au clochard dans la rue, en nous disant “Si j'ai réussi à trouver du boulot, pourquoi lui n'y arriverait pas? Pourquoi ce serait moi qui financerait sa cannette de bière?”.
Par procuration, nous vivons la vie bourgeoise. Mais ce n'est pas la seule explication à notre comportement étrange. Si nous cherchons à nous démarquer au travail, puis à nous distinguer socialement, c'est aussi par peur d'être le “dernier de la classe” 1. Personne ne veut se retrouver en bas de l'échelle, alors on fait semblant d'être quelquepart au milieu, on essaie de vivre comme eux, de penser comme eux, de manger comme eux, et de voter comme eux. De plus, on prend le pari qu'en votant à droite et en faisant des efforts (puisqu'on est un peu plus fort que les autres), on pourra mieux s'en tirer avec un gouvernement qui valorise l'initiative personnelle et la volonté de travailler. C'est ainsi que les discours populistes de droite passent très bien chez un prolétariat tertiarisé et abandonné par son parti traditionnel, le parti socialiste. Les travailleurs “d'en bas”, qui paient le plus d'impôts en part de revenus 2 3, et participent le plus à l'effort national d'austérité 4, sont bien évidemment happés par les discours de défiscalisation. Défiscalisation qui mandat après mandat fait le bonheur des plus riches.
Enfin, on peut repérer une autre malédiction derrière le zèle névrotique des héros du boulot: la morale du travail. Cette sacro-sainte morale est pudiquement nommée “valeur travail” dans les discours des politiques et des médias, et ils nous bassinent avec cette sottise depuis notre plus tendre enfance. En ces temps de précarisation, de surcharge, de stress, d'augmentation du coût de la vie et de la perte de sens au travail, nous assistons à une valorisation bornée de ce même travail, thème central des tractations politiques 5. Mais la morale ou valeur du travail n'est pas juste un phénomène de circonstance, elle est un concept ancré depuis très longtemps dans notre culture 6.
La morale du travail
Rare sont les valeurs qui font autant l'unanimité que celle-ci: des fondamentalistes chrétiens jusqu'aux anarchistes, le Salut se trouve dans le travail.
La paresse, paraît-il, est immorale et répréhensible. Courber l'échine sa vie entière, en pariant sur l'existence du Paradis, où nous pourrons nous reposer éternellement quand nous mourrons, telle est la Voie des Sages. Les infidèles qui ne se plient pas à cette haute vertu doivent être (con)vaincus par un dispositif des plus éthiques et subtils: la culpabilisation. Ou bien la peur: si tu n'obéis pas tu iras en Enfer pour le restant de tes jours.
Plus qu'une chose à faire, “manger le pain à la sueur de son front”. Et sacrifier des vies entières, les condamner à n'être que des rouages d'un système terriblement inefficace qui pour enrichir une personne doit en appauvrir des centaines de milliers d'autres, tout en déclenchant des guerres et des catastrophes nucléaires, en supprimant les espèces vivantes 7... Car, d'après Max Weber dans L'Ethique protestante et l'esprit du Capitalisme, l’origine du capitalisme même et sa conception du travail se situe dans la morale protestante. Imprégnant notre culture depuis des siècles et des siècles, cette morale ne peut que jouer un rôle prédominant dans nos représentations intérieures, qu'on le veuille ou non.
Une morale comme une autre?
Comme toute règle morale, celle du travail n'est pas toujours observée par pure bonté du coeur, mais bien plus souvent par crainte: de se faire prendre, d'échouer, de se différencier, de prendre des risques, de penser par soi-même et sans préjugés, etc. Ce qui rend déjà nos amis moralistes un peu moins "supérieurs" et un peu plus "humains".
Comme toute morale, celle du travail nous évite le fardeau de réfléchir à un tas de choses, notamment aux conséquences de nos actes. Chaque travail est vertueux, parce que c'est un travail. Et si nous travaillons alors nous vivons une vie de vertu. Inutile de se prendre le chou dans la vie quotidienne, de faire attention à ce que l'on dit, à ce que l'on consomme, etc. Un travailleur qui parle avec mépris à un clochard ivrogne demeure dans une moralité partagée unanimement, il aura donc bonne conscience en se couchant le soir.
Comme toute morale, celle du travail n'est pas réfléchie, questionnée ou débattue: ce serait immoral. Alors, elle doit être appliquée tout le temps, en toute circonstance, comme la loi. C'est ce qui explique que bosser dans l'armement ou dans le nucléaire est égal d'un point de vue “valeur travail” à bosser dans l'éducation ou la santé. Mais tous les métiers n'ont pas la même valeur. Si on estime que tout travail mérite salaire à hauteur de son utilité sociale, ainsi que des efforts et des risques entrepris, la rémunération d'une infirmière nous apprend que son travail a beaucoup moins de valeur que celui d'un banquier. Ce qui ne paraît pas absurde puisqu'un banquier sauve des vies tous les jours en vendant des crédits à taux avantageux, alors que l'infirmière n'est qu'une femme. Mais le banquier lui-même n'arrive pas à la cheville d'un Johnny Hallyday, ou mieux encore, d'une Monica Bellucci. Eux sont les vrais anges gardiens de notre société.
Certains seraient tentés de répondre en arguant qu'il s'agit là d'une absurdité du système, voire d'un simple excès. Mais c'est faux, cette grille de rémunération n'est pas une aberration, c'est ainsi que le système fonctionne et les rémunérations démesurées ne sont jamais un hasard. Par ailleurs, parler de “moraliser le capitalisme” est une blague, surtout quand c'est notre président qui s'y colle: “travailler plus pour gagner plus”, jolie reconnaissance de la véritable finalité du travail!
Nous avons dit que cette satanée morale avait des origines anciennes. Ne soyons pas trop rancuniers envers nos traditions, et supposons que leurs messages aient été valables à certaines époques. Après tout, cela ne nous concerne pas tellement, ce qui nous intéresse c'est de savoir si leurs messages doivent être entendus aujourd'hui, à une période bien différente de celle des origines du protestantisme par exemple (qui n'est pas le seul coupable: toutes les religions et toutes les pensées politiques semblent être “travaillistes”).
Aujourd'hui, le travail est mécanisé, robotisé, informatisé. La richesse est abondante, il n'y a qu'à voir les sommes colossales qui dorment tranquillement dans les paradis fiscaux 8. En France, nous ne sommes pas en situation de crise humanitaire, de guerre ou de reconstruction. Alors pourquoi tant d'acharnement au travail? Quel sens donner au travail collectif? Si on observe les conséquences écologiques et politiques de cet excès de zèle, on pourrait se demander s'il ne serait pas plus moral de ne pas travailler au-delà de nos besoins de base! Surtout si notre abondance technologique et financière le permet à ce point. A une époque ancienne, la frugalité et la contemplation n'étaient-elles pas des valeurs morales elles aussi?
C'est sans compter notre nouveau Dieu, le Dieu Progrès. Vivre simplement aujourd'hui est "irresponsable", car on ne doit pas revenir en arrière, il faut aller de l'avant. Pour ceux qui n'en sont pas convaincus, écoutez le discours qu'à donné M. Sarkozy en 2007 à Dakar 9.
Il ne s'agit pas non plus de dire que, au contraire, le travail est immoral, ou que participer au capitalisme est immoral. La plupart d'entre nous travaillons par nécessité, et/ou par méconnaissance des conséquences négatives du capitalisme. Notre ignorance de la Françafrique 10 est le fait le plus extrême de notre aveuglement.
Mais ce n'est pas tout. Si nous travaillons, c'est aussi car nous éprouvons l'envie naturelle de participer à la vie collective, de construire quelquechose. C'est la raison pour laquelle “même” le RMIste acceptera un job, quitte à perdre ses allocations et gagner moins d'argent. Personne ne veut passer sa vie à ne rien faire, passer des journées entières à en attendre la fin. Très peu de personnes supportent l'inactivité. Nous devons arrêter de nous imaginer comme quelqu'un d'extrêment motivé, entouré par une masse de fainéants, c'est une vision erronée bourrée dans notre crâne par des personnes peu recommandables. Cette vision est peut-être aussi un chouilla révélatrice de nos fantasmes inconscients de travailleurs usés?
Il nous faut à tout prix prendre conscience de l'endoctrinement que nous avons subi à propos de la valeur travail, de la moralité du travail, afin de nous en libérer. Une fois libérés de ce conditionnement, nous pouvons choisir l'activité la plus nécessaire et la plus adéquate à notre situation actuelle, en fonction de notre marge de manoeuvre concrète.
L'utilité sociale
Certaines personnes acceptent l'idée que l'on veuille quitter le monde professionnel. Elles présument alors que l'on désire plutôt s'investir dans un autre cadre: l'éducation, la recherche, la santé, la vie associative, humanitaire, etc. Il serait intolérable que l'on n'éprouve pas le besoin de nous rendre utile, de faire quelquechose de notre vie. Accepter que l'on s'investisse autrement, pourquoi pas, mais accepter que quelqu'un puisse vivre des allocations minimum, sans rien faire, en étant d'aucune utilité sociale, voilà qui fâche y compris les humanistes de gauche.
Par pitié, nous devons cesser de nous mesurer les uns aux autres en terme d'utilité. Nous ne sommes ni des outils ni des agents économiques. Nous sommes des êtres humains, libres et créatifs. S'il est si évident pour nous de vouloir être utile socialement, pourquoi alors nous forcer? Si notre salut est dans le travail, ou l'utilité sociale, alors pourquoi nous pousser dans cette voie? C'est absurde. Et les conséquences en sont dramatiques, car si l'on poursuit le raisonnement jusqu'à son aboutissement logique, il s'agirait de supprimer les allocations pour les personnes inutiles. De les laisser crever en somme. Juste punition pour un péché aussi grave que la paresse, bien plus grave que l'avidité, le mensonge, le vol, le meurtre... tous des péchés institutionnalisés par la société.
Lao Tseu voyageait un jour avec ses disciples. Ils rencontrèrent des bûcherons qui venaient d'abattre tous les arbres d'un bois, à l'exception d'un seul. L'arbre qui avait échappé au massacre était immense, si grand qu'une foule pouvait s'asseoir à son ombre. Lao Tseu envoya ses disciples s'enquérir de la raison du privilège accordé à cet arbre. Les bûcherons expliquèrent qu'il ne valait rien. Il était inutilisable en menuiserie, son tronc et ses branches étant trop noueux. Comme combustible il était également sans intérêt, en brûlant il dégageait une fumée qui irritait les yeux. Voilà pourquoi nul ne se donnait la peine de le couper.
Cela amusa beaucoup Lao Tseu.
- Soyez comme cet arbre, dit-il a ses disciples. Ne cherchez pas les performances exceptionnelles. Si vous êtes utiles, on vous abattra et vous servirez de mobilier dans la maison de quelqu'un d'autre. Si vous êtes beau, on vous achètera comme élément décoratif. Suivez l'exemple de cet arbre. N'ayez aucune utilité particulière. Vous grandirez en paix et un jour des milliers de personnes savoureront l'ombre que vous projetterez...
L'oisiveté
Après avoir annoncé qu'on quittait le monde du travail, après avoir répondu qu'on n'allait pas oeuvrer pour une ONG, on nous demande enfin: “Mais tu ne vas rien faire !?”. Pourquoi pas? Puis pendant les mois qui suivent on a droit à des remarques mi-moqueuses, mi-jalouses, comme: “Alors, ça va toujours, tu te la coules douce?”. Car personne ne vous prend au sérieux aujourd'hui lorsque vous n'avez pas de projet.
En alternative au travail ou à l'utilité sociale, on ne voit que l'oisiveté et le divertissement. Normal après tout, le travail occupe une place tellement envahissante dans notre société, en dehors de ce monde c'est le désert, semble-t-il. Or, l'oisiveté, c'est Mal. Elle est la mère de tous les vices, y compris celui de prendre de l'argent aux gens qui bossent, afin de pouvoir fumer des clopes et regarder la télé à longueur de journée. Hélas, même si ce n'était pas immoral de ne rien faire, nous ne saurions manger de ce pain car nous sommes bien trop agités pour rester en place plus de cinq minutes.
Le loisir et le divertissement sont rois dans notre société. Dans toutes les publicités, les émissions télévisées, nous sommes incités à nous faire plaisir, à jouir de notre temps libre. Nous sommes bombardés de fictions, de bouquins, de journaux gratuits, d'alcool, de clopes, et autres jouets pour adultes en mal de divertissement et de perte de temps. Mais cette incitation n'est pas à prendre au premier degré, elle n'est pas une incitation à ne plus travailler afin de pouvoir se faire plaisir sans cesse. Non, tout plaisir doit être la récompense d'un travail. Et ce plaisir ne doit pas juste être plaisir, il doit être divertissement. Mais de quoi nous divertissons-nous au juste? Non, le divertissement à haute dose n'est pas si agréable surtout lorsqu'on a les yeux ouverts.
Naturellement, en dehors du travail, il n'y a pas que l'oisiveté et le divertissement. Bien que je n'ai rien contre l'oisiveté, elle est mère de tous les vices et de toutes les vertus. A quoi s'activait Newton quand sa fameuse pomme est tombée de l'arbre? Il triait des dossiers? A mon avis, il se reposait, et ce d'une manière totalement décomplexée. L'oisiveté peut être vécue de tellement de manières positives: le jeu, la contemplation, la détente, la promenade... En plus de mère oisiveté, nous pouvons choisir entre l'art, la connaissance, l'activité physique, le militantisme... Qui peut sérieusement se consacrer à ces activités tout en travaillant à temps plein? Et ces activités-là, ne sont-elles pas nobles, dignes de notre intérêt? Peut-être nous sous-estimons-nous, en les laissant aux professionnels?
Il paraît que nous avons besoin de travailler, pour nous sentir quelqu'un, pour devenir quelqu'un. Dieu merci, ce n'est pas le cas de tout le monde. Il paraîtrait que sans travail notre vie serait privée de sens. Pour moi, c'est l'inverse qui est vraie.
“Mais il y aura toujours besoin de travail!”
Comment sortir du travail et dormir sur ses deux oreilles tout en sachant qu'il y a un manque de personnel soignant, de professeurs, etc? Comment avoir bonne conscience quand on sait qu'il y un “défi écologique” à relever, et qu'il va falloir travailler dur pour adoucir le réchauffement climatique, développer les énergies alternatives, etc?
Pour ce qui est du secteur de la santé, par exemple, rendons-nous bien compte que les trois quarts des consultations des médecins sont pour des maladies du stress, et que le travail génère une part importante de nos maladies et accidents pour lesquels nous nous retrouvons à l'hôpital. Il n'est pas si audacieux de dire “sans hôpitaux, pas de travail (tout le monde serait blessé ou malade), sans travail, pas d'hôpitaux (pas besoin)”. Evidemment, on en aurait toujours besoin, mais beaucoup, beaucoup moins. Et pour le "challenge" écologique, il en va de même. Si nous ne bossions pas comme des acharnés, la question serait sans doute bien moins urgente, et une solution en attendant est de calmer le jeu. Mais quelle priorité l'emportera? Celle de l'écologie, ou celle du profit?
Dans un registre moins catastrophiste, il est vrai que nous aurons toujours des choses à faire. A commencer, au niveau individuel, par les tâches ménagères.
Les grecs anciens estimaient qu'un homme libre n'avait pas à s'occuper de ses besoins de base, c'était là le travail des esclaves. Cette mentalité ressemble à la nôtre, car chez nous plus on est riche plus on “délègue” aux autres le soin de nous nourrir, de nous laver, de nous vêtir, de nous transporter, etc. C'est même un objectif relativement atteignable, avec la technologie dont nous disposons actuellement. Les machines pourraient faire le travail à notre place. Mais ne plus nous occuper de nos propres besoins, est-ce si idéal? N'y a-t-il rien à vivre dans les activités quotidiennes comme le ménage ou la cuisine? Non seulement apaisantes, elles nous permettent d'exprimer notre créativité et de prendre soin de notre environnement direct. En plus, sans l'obligation de travailler, nous n'aurions plus d'excuse pour laisser ces tâches aux femmes.
Au niveau collectif, il y aurait énormément de choses à faire. Enfin, à défaire surtout. Pour cela, il ne paraît pas irréaliste de décider collectivement des tâches collectives prioritaires, ainsi que de la manière de répartir l'effort. Ce serait là un véritable travail collectif et démocratique, aux motivations plus généreuses que celles d'une entreprise, dont les intérêts sont privés.
La coupure
Finalement, le travail est aujourd'hui coupé de tout un tas de choses: l'accomplissement personnel, l'utilité sociale, la socialisation... On nous dit, et nous nous répétons, que ces choses ne se trouvent que dans le travail. En réalité, ce n'est que pour mieux nous faire bosser car ces choses là se trouvent partout sauf dans le travail.
Le travail est coupé du plaisir, de la contemplation, de la générosité, de l'entraide, de la paix intérieure, de la communication... Une piste intéressante serait sans doute une activité qui ne nous coupe pas de ces qualités d'être, essentielles. Une activité ni divisée, ni partielle, ni aliénante. Le jardinage en est un excellent exemple, en ce qu'il nous amène à cultiver notre intelligence, notre créativité, notre agilité et notre générosité, tout cela en conciliant les fins esthétiques (le paysage) et utiles (l'alimentation).
Si Dieu existait, et voulait faire régner sa morale sur Terre, il abolirait le travail. Ainsi, chacun d'entre nous pourrait choisir sa propre destinée: le libre-arbitre, enfin! Nous pourrions nous reposer comme bon nous semble, profiter un peu de cette vie (puisqu'on n'en a qu'une, ne l'oublions pas), et vaquer à des occupations tantôt futiles, tantôt utiles, en pleine possession de nos moyens et de notre tête. Nos relations ne seraient plus fondées sur l'exploitation et l'utilisation de nos semblables.
Ce scénario n'est pas en train de se produire, alors il nous faut aller de l'avant et sortir du travail par nous-mêmes, individuellement et collectivement. Mais la pente est raide car les politiciens n'ont pas exactement le même objectif:
“Si j'ai tant parlé de la valeur travail, c'est parce qu'elle est centrale. Il manque à la France un point de croissance en moyenne par an. S'il manque à la France un point de croissance, c'est parce que globalement et quels que soient les efforts de nos compatriotes, la France ne travaille pas assez.
C'est une vérité. S'il manque à la France un point de croissance, c'est parce qu'on a dévalorisé le travail. C'est parce qu'on fait tout pour décourager les Français de travailler. C'est parce que le chômage de masse, l'insécurité dans l'emploi, la stagnation du pouvoir d'achat des salaires, la dégradation des conditions de travail ont abîmé le travail. Alors comment croire au travail quand il y a des travailleurs pauvres ? Comment croire au travail quand de plus en plus de travailleurs n'arrivent plus à faire vivre leur famille en travaillant ? Comment croire au travail quand le travail ne garantit même plus l'intégration sociale ?
Alors ma politique, celle que nous allons défendre avec le Premier ministre, ce n'est pas la politique de l'offre, ce n'est pas la politique de la demande. Ces querelles d'écoles n'ont aucun intérêt. Ma politique ce n'est pas la politique des entreprises, ce n'est pas la politique des ménages. Ma politique c'est la politique pour tout le monde. Et je vous propose de faire comme politique celle du travail.
Libérer le travail. Récompenser le travail. Améliorer les conditions de travail. Développer la productivité du travail. Et je propose à la majorité présidentielle le choix suivant : Politique sociale : le travail. Politique éducative : le travail. Politique économique : le travail. Politique fiscale : le travail. Politique de concurrence : le travail. Politique commerciale : le travail. Politique de l'immigration : le travail. Politique monétaire, politique budgétaire, je ne les jugerai que par rapport à un seul critère : cela récompense le travail ou cela dévalorise le travail. Tout ce qui récompense le travail sera choisi, tout ce qui dévalorise le travail sera écarté.”
Discours donné M. Sarkozy le 20 juin 2007 à l'Elysée
Source: L'Internaute
Les valeurs du travail
Pour conclure ce texte, long, moralisant et désagréable à souhait, nous allons citer quelques belles valeurs du monde du travail. Car, d'après M. Sarkozy, le travail est injustement dévalorisé aujourd'hui, ce qui est la cause de tous nos problèmes.
Tout d'abord, mettons de côté ce modèle d'exploitation des pauvres par les riches, on va imaginer qu'il est moral. On va imaginer aussi qu'il est moral de mieux rémunérer un politicien qu'un agriculteur. Quels comportements nous inculque-t-on en entreprise? La compétition, la loi du plus fort, du profit avant tout, la soumission à l'autorité, le conformisme, le mensonge, l'opacité, la surveillance mutuelle, la délation... On nous apprend à jouer des coudes, à marcher sur les autres pour arriver en haut. On nous demande d'abandonner notre vie de famille, nos aspirations de justice, de vérité et de liberté. En somme, on nous demande de capituler nos valeurs et notre morale.
- 1. "Pourquoi les pauvres votent-ils contre leurs intérêts?", 30 Septembre 2011, Actuchômage
- 2. "Au final, tous impôts confondus (impôts sur le revenu, sur le capital, TVA et cotisation sociales sur les salaires), les 500 000 Français les plus riches ne s'acquitteraient que d'un taux moyen d'imposition de 35%, contre près de 45% pour les 50% de Français les plus modestes, selon les travaux récents des économistes Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez ("Pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXe siècle" au Seuil et le blog Révolution-fiscale.fr).", Les riches paient-ils vraiment autant d'impôts que les autres? L'Expansion
- 3. N'oublions pas ces grandes voleuses de multinationales, qui par leur évasion fiscale ne remplissent plus les caisses des états: www.stopparadisfiscaux.fr
- 4. "Plan Fillon : les nouvelles hausses d’impôts pèseront à 86% sur les ménages en 2013", Le Monde, 07 novembre 2011: source
- 5. En témoignera le discours de M. Sarkozy, à la fin de cet article
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6. Ce chapitre résumera de manière un peu facile et frauduleuse l'histoire de la valeur travail. Pour des textes plus précis et complets sur cet historique le lecteur pourra s'orienter vers les textes suivants:
- Le sens du travail, sur le site Philosophie et Spiritualité,
- Valeur travail (idéologie), article Wikipedia.
- Petit résumé de l'histoire du travail, Blog du comité NPA 42 Loire Nord
- 7. Extinction de l'Holocène, Wikipedia
- 8. “11 000 milliards de dollars sont abrités dans les paradis fiscaux, soit cinq fois le PNB de la France.” www.stopparadisfiscaux.fr
- 9. L'essence de ce discours est ici, dans un extrait d'une minute. La version complète est ici.
- 10. http://www.survie.org