Vivre dans un fourgon aménagé

"Avant que ne vienne la haine et la bagarre, accroche ta caravane et part"
Proverbe manouche

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Concrètement, la raison principale pour laquelle nous bossons est notre manque d'autonomie, financière notamment. Nous ne possédons rien, même pas un toit.

L'augmentation consternante des loyers et la grande stagnation des salaires font que le logement est devenue la principale source de dépense de notre salaire. Et la première raison d'être de ce dernier.

Alors, pour sortir du travail en retrouvant un semblant d'autonomie, la suppression du loyer semble être un bon point de départ. C'est une des raisons pour lesquelles beaucoup se dirigent vers la propriété. Hélas, nous n'avons pas tous les moyens d'acheter une maison ou un appartement. Et nous ne désirons pas forcément le crédit ou même la vie sédentaire et routinière qui va avec.

Et si l'on ne vivait pas dans un appartement, ou une maison? Si l'on envisageait la solution “cam'tard” ? Ne nous y trompons pas, de plus en plus de personnes vivent dans leur voiture ou leur fourgonnette par manque de revenus, et cette situation n'est pas drôle. Mais lorsque ce mode de vie est choisi et préparé, il peut être vécu de manière bien plus positive. Cette solution n'est pas non plus universelle et concerne plutôt (mais pas forcément) les personnes en bonne santé, courageuses, et suffisamment indépendantes (sans obligations familiales ou autres).

Imaginons: sans loyer à payer, nos besoins financiers sont fortement réduits, notre autonomie élargie, notre temps de travail minimisé, et notre vie bien plus palpitante que le métro-boulot-dodo qu'on nous annonce comme une fatalité. Se forme alors dans notre esprit un rêve de liberté et de vagabondage, à bord du glorieux cam'tard!

Concrètement

Vous êtes convaincus, la route vous appelle, et vous vous demandez si la vie de gitan est réalisable pour vous. Ou bien vous êtes juste curieux, ou cherchez un plan B en cas de pépin. Voici quelques éléments pour vous donner une idée un peu plus tangible de ce qui est possible.

Quelle vie?

Le cam'tard offre plusieurs options différentes en terme de mode vie. Le plus sédentaire consiste à garer sa fourgonnette quelquepart et ne plus en bouger: chez des amis, sur un terrain que l'on cultive... On peut aussi envisager un mode de vie similaire, mais en demandant juste l'hospitalité à nos amis pendant quelques semaines à la fois, pour ne pas trop en abuser. C'est l'occasion de voir du monde; ce qui fait plaisir à nos proches en général, car quand on travaille on n'a finalement que peu de temps à leur accorder. Sans doute, ces deux options sont-elles les moins coûteuses.

Sinon, la fonction première d'un camion étant, après tout, de rouler, on peut choisir l'option nomade. Par certains côtés, c'est la plus libre, car on fait vraiment ce qu'on veut. En revanche, on dépend un peu plus du monde de l'argent car les pleins, l'entretien et les réparations deviennent plus fréquents. Mais c'est aussi l'occasion de bosser quelques semaines à droite à gauche, en rencontrant des personnes différentes, et de semer quelques graines “anti-travail” auprès de nos collègues de passage...

Quel cam'tard?

Le budget dont vous disposez et l'usage que vous comptez faire de votre fourgonnette sont les deux facteurs à prendre en compte.

Si l'argent n'est pas un problème pour vous, vous pouvez vous offrir un modèle récent et spacieux. Mais dans la plupart des cas, l'argent sera un problème! Alors, une vieille fourgonnette sera à privilégier. Si celle-ci date d'avant les années 2000, elle fera encore partie de la génération “mécanique”, et sera réparable par vos soins en cas de pépins, contrairement aux voitures actuelles, dont l'électronique empêche de réparer soi-même son engin. Un modèle apprécié par les voyageurs semble être le vieux Renault Trafic. Fiable, robuste et réparable, il ne coûte pas cher du tout en occasion, et on en trouve qui sont déjà aménagés.

Car le choix vous sera offert d'aménager ou non votre camion vous-même. Si vous avez le temps d'apprendre, d'acheter les matériaux, et de tout assembler, alors vous serez sûr du résultat, et vivrez dans un environnement personnalisé. Sinon, si c'est le premier cam'tard, mieux vaut acheter un véhicule déjà aménagé. Cela peut coûter moins cher, et certaines opérations ne sont pas simples à réaliser, voire dangereuses ou, pire, chiantes (isolation, électricité, eau...). Le site trafic-amenage.com est une mine d'informations.

Quel budget?

On peut vraisemblablement trouver son bonheur pour moins de 5.000 euros. A cet investissement initial, on doit ajouter l'essence (on s'approche souvent des 10 litres au 100), l'assurance (environ 300 euros par an) puis entretien et réparations (500 à 1000 euros/an). Le montant des dépenses en essence et réparations dépendra de votre soif de voyages, et de votre karma.

Le budget alimentation peut varier aussi, en fonction de votre appétit, régime alimentaire, de votre équipement de cuisine, etc. Les autres postes, comme les fringues, les sorties, sont vraisemblablement réduites. Bref, il convient de réaliser un budget le plus réaliste possible avant de partir, en se laissant de la marge, pour que le fric ne soit pas un problème. En gros, on peut retirer le loyer de notre budget habituel, et le remplacer par les dépenses mensuelles liées au camion. Puis affiner en cours de route, les autres dépenses n'étant pas très grandes, en principe.

On peut s'y prendre de plusieurs manières, mais voici pour l'exemple une proposition à peu près réaliste:

  1. Tout d'abord, on compte ses sous, et on élabore un budget.
  2. Ensuite, on achète le cam'tard. Si on a un travail, on y reste encore un peu. Si on est chômage, ou on touche des allocs, parfait!
  3. On emménage dans le cam'tard, tout en bossant (ou en touchant des allocs). Le courrier peut se faire livrer chez quelqu'un qu'on connaît et qui veut bien nous rendre ce service. On dit à l'administration qu'on est logé chez cette personne. On s'habitue déjà un peu à cette vie, et si elle nous déplaît, on peut encore revenir en arrière. Si personne ne veut recevoir notre courrier, alors on se renseigne sur le livret de circulation...
  4. Comme nous n'avons plus de loyer à payer, et que l'on travaille encore, on économise rapidement l'argent dont nous avons besoin pour partir pendant la période souhaitée (6 mois, un an , deux ans, plus...).
  5. Une fois qu'on a le cam'tard et le pactole, on se casse!
  6. On voyage, on fait sa vie.
  7. Quand l'argent nous manque, on en cherche. Eventuellement en bossant, pendant quelques semaines, par ci par là. Retour rapide à l'étape 6.

En somme

L'autonomie de ce mode de vie n'est pas totale car on dépend encore de boulots ponctuels, ou d'allocations. Mais cette autonomie partielle est déjà bien plus grande que celle de vivre en location, ou à crédit. Et les effets psychologiques de cette autonomie ne tarderont pas à se faire sentir...

Car la joie de la liberté, quand on la vit réellement ne serait-ce que quelques instants, ne peut que donner le goût d'une liberté toujours plus grande. C'est une loi biologique. Et on fera tout ce qu'il faut pour nourrir cette liberté, la protéger et la cultiver.

Enrichis par l'autonomie, la liberté, puis la responsabilité et l'intelligence qu'elles exigent et font germer en nous, notre vie sera intensément vécue.

Ce choix peut paraître individualiste. Mais c'est un individualisme sincère et choisi, contrairement au simulacre d'individualisme qui contraint tant d'entre nous à sacrifier nos vies pour entretenir des propriétaires, des patrons et des politiciens. C'est un choix profondément individualiste, mais il est tout aussi généreux. Etant donné les dégâts causés par le système, vivre (un peu) en dehors de celui-ci est déjà une vertu. De plus, en agissant ainsi, avec courage, nous montrons l'exemple et affirmons la possibilité de vivre autrement. Cette vie est une inspiration pour les personnes qui sont coincées dans une vie normale et ne voient pas d'alternatives . Puis, si on veut aller plus loin, rien ne nous empêche d'utiliser notre autonomie, notre temps et notre liberté à bon escient, en nous engageant dans des activités sociales, humanitaires ou militantes.