Livres
Bonjour paresse
Corinne Maier
Michalon, 29 avril 2004
Le travail, c'est pas la fête.
Contre le raffarinesque « La France doit se remettre au travail », Corinne Maier pousse son cri du 1er mai : Vive la paresse, un ephlet (essai-pamphlet) spécial sinistrose, à usage thérapeutique.
Bonjour paresse est là pour dire enfin la vérité : la grande entreprise, personne n'y croit plus. La foi nous a quittés, nous autres naguère chevaliers combattants de l'Ordre de la Firme. À présent les cadres moyens, petits boulons dans une machine jargonnant un sabir grotesque, n'attendent qu'une chose : le solde à la fin du mois.
Mais alors, que faire ? Rien surtout ! Affirme ce livre. Soyons individualistes et inefficaces en attendant que ça s'effondre et qu'une nouvelle société advienne où chacun cultivera essentiellement son jardin et conservera un à-côté accessoire dans une grande structure, histoire de survivre quand même.
De L'esclavage Au Salariat - Economie Historique Du Salariat Bridé
Yann Moulier Boutang
Presses Universitaires De France - Puf
La constitution du salariat recèle quelques énigmes théoriques de taille. En généralisant le travail salarié, le capitalisme se présente par rapport aux systèmes qui l'ont précédé comme porteur de liberté. Mais il consacre une dépendance sur le plan économique, même si elle s'opère entre des personnes libres juridiquement. La tension entre capitalisme et démocratie se manifeste dès l'accumulation primitive et réapparaît sans cesse. Historiquement, le salariat libre n'est du reste que la pointe émergée de l'iceberg du travail dépendant. L'esclavage des plantations, le second servage, le travail sous contrat des migrants, le travail forcé colonial, ou concentrationnaire, sont des anomalies récurrentes ou durables. Le Mouvement Ouvrier ne réclama-t-il pas dans ses statuts l'abolition de l'esclavage du salariat ?
Comment peut-on expliquer que l'essor du capitalisme oeuvre tout à la fois à la construction du contrat normal de travail et aux dispositifs contraires de l'esclavagisme ?
Ce livre propose une réponse : la recherche du contrôle de la fuite des serfs, des esclaves, des engagés, des pauvres représente l'élément majeur qui a déterminé la naissance du marché du travail aussi bien libre que non libre. La fuite des travailleurs est le ressort de la création et de la destruction des institutions du marché du travail, mais aussi celui de la concurrence capitaliste et de l'accumulation. La rupture unilatérale de l'engagement de travail apparaît comme le point sensible à explorer si l'on veut comprendre les véritables sujets collectifs de l'histoire comme de l'économie, et réintégrer l'âge classique dans l'histoire globale du capitalisme et de l'économie-monde.
Reconstruite à partir de l'analyse économique, l'histoire raisonnée du marché, de la liberté, de l'Etat moderne et des politiques publiques à l'égard des pauvres ou des migrants qui se trouve reconstruite s'avère très différente du tableau de la Grande Transformation de Polanyi. Certains concepts cardinaux de l'économie politique, certains repères de l'histoire et du droit du travail se trouvent ainsi profondément réinterprétés : la rente foncière, le mouvement des clôtures, la prolétarisation, l'abolition des corporations, le sens des lois sur les pauvres, la frontière américaine, l'apparition du marché du travail, la pertinence de l'armée industrielle de réserve , l'articulation des modes de production. Les fondements du contractualisme du XVIIIe siècle, la déduction de la liberté à partir de la propriété, et du sujet politique à partir du contrat n'en sortent pas indemnes non plus.
De la prison à la révolte
Serge Livrozet
Mercure de France, 1973
D'abord voleur par nécessité, puis par défi, Serge Livrozet l'est devenu par conviction.
Arrêté et jugé, il a été condamné pour " crime " contre la propriété. Ce livre, publié pour la première fois en 1973, reste plus que jamais d'actualité. Au-delà des théories, l'auteur de l'infraction nous livre son point de vue sur les causes de la délinquance et de l'insécurité. Aujourd'hui réhabilité, auteur d'une quinzaine de livres, Serge Livrozet a changé de moyens mais n'a pas changé d'idées : la révolte ne l'a pas quitté.
Désobéir dans l'entreprise
Les Désobéissants
Passager Clandestin, 20 novembre 2010
Sous couvert de modernisation, de convivialité, d'autonomisation, l'entreprise nouvelle isole et culpabilise les salariés, exige d'eux toujours plus de travail, use leur santé et leur dignité dans des tâches dépourvues de sens.
Parallèlement, certains syndicats se sont mués en " partenaires sociaux responsables " de la promotion du néolibéralisme. Pour résister au travail, ou simplement à ses conditions dégradantes, les salariés retrouvent les outils du passé. Souvent livrés à eux-mêmes, ils réapprennent à désobéir.
Eloge de l'oisiveté
Bertrand Russel
Allia, 2001
"Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l'aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n'y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment."
Bertrand Russel
Guide pratique pour réussir sa carrière en entreprise
Antoine Darima
Editions ZONES, :10 avril 2008
L’esprit d’entreprise, le goût de la concurrence et la soif de réussite ne sont plus tabou. Le temps est enfin venu de s’ouvrir aux nombreuses opportunités, aux défis et aux satisfactions que peut apporter un intense investissement dans la vie de l’entreprise.
Mais comment réussir sa vie professionnelle ? Rompant avec la langue de bois des DRH, un manager expérimenté vend la mèche et nous livre, étape par étape, en véritable Machiavel du management, toutes les clés pour soigner notre carrière et bénéficier d'une promotion rapide. Vous apprendrez dans ce livre tout sur l’« art de la guerre » professionnelle et les secrets pour l’emporter dans l’univers impitoyable de l’entreprise : savoir vous vendre et vous construire en produit attractif et désirable, organiser une communication cohérente et consistante, courtiser habilement les chefs, maîtriser la langue managériale, son jargon, sa rhétorique et ses astuces pour avoir raison en toutes circonstances, s’exercer à l’art de la parole floue grâce aux techniques de base de l'hypnose, gagner en autorité en faisant preuve de perversité, utiliser le sentiment de culpabilité afin d’obtenir la soumission de vos subordonnés, recruter des collaborateurs peu compétents qui ne vous feront pas ombrage, placardiser discrètement un employé indésirable…
Authentique petit manuel du courtisan moderne, ce guide exalte les vertus de la lutte pour la carrière. En invitant à suivre la voie du manager, Antoine Darima propose aussi un nouvel art de vivre et une conversion spirituelle : épousez votre entreprise, devenez cadre et élevez-vous à une dimension supérieure de votre être. Fermez les yeux et laissez vous envahir par l’esprit de la firme.
Harcèlement au travail ou nouveau management ?
Paul Ariès
Golias 2002
Que partagent Les Galeries Lafayette, McDonald's, Hippopotamus, Disney, Intermarché, Casino, France-Telecom, Renault, IBM, HP, Carrefour, Auchan, Buffalo-Grill, la SNCF ou le Crédit Suisse ? Des pratiques managériales toujours plus uniformisantes et déshumanisantes. L'auteur politologue spécialiste des sectes et de la mondialisation - dresse ici un constat d'échec des nouveaux modes de management. Tout y passe : des nouveaux modes d'organisation du travail qui brisent les cultures de métier, les identités collectives, les classifications salariales jusqu'aux techniques ordinaires ou plus raffinées de manipulation des salariés qui, sous prétexte de développer la culture d'entreprise, impose à chacun une façon de travailler, de s'habiller, de sourire, de parler, etc. L'auteur dénonce le viol de l'intimité qu'introduit l'écroulement du mur qui, depuis le XIXe siècle protégeait de l'entreprise la vie privée du salarié. Faut-il légaliser la sélection des candidats par le biais des tests génétiques ? Il dénonce l'usage des logiciels espions ou de la télésurveillance. Il démonte le piège des équipes de travail revues à la sauce patronale, de la pseudo-qualité totale, du coaching pour dirigeants gouroufiés, etc. Il établit en quoi des notions comme celle d'employabilité constituent des armes contre les salariés que propagent patronat et gouvernement. Il montre comment le néo-management entend substituer au Moi des salariés de pseudo identités imposées grâce au formatage idéologique. L'avenir est-il à 10 ans de vie Auchan, 5 ans d'IBM, 10 ans de Nike ? Jusqu'où faut-il aller dans l'identification à son entreprise, à son patron ? Les nouveaux modes de management se veulent plus sympathiques mais ce management affectif est, en réalité, pervers car l'entreprise n'a de cesse d'infantiliser son personnel, cadres compris, pour mieux le dominer. L'entreprise se révèle une mauvaise mère qui dévore ses enfants (licenciements boursiers, dégradation des conditions de travail). Elle veut les empêcher d'accéder à l'autonomie et à la responsabilité. Ce néo-management est indispensable à la révolution dans le capitalisme que prônent les ultras du MEDEF (Global Compact, refondation sociale, etc.). Ce système intégriste est, malgré les apparences, voué à l'échec car il est dangereux socialement, psychiquement et même économiquement. L'auteur explore les fantasmes patronaux mais aussi les pièges tendus. Un livre destiné d'abord aux salariés et aux militants qui ne comprennent plus leur entreprise, un livre né de débats et voué à nourrir des actions.
Histoire secrète du patronat: De 1945 à nos jours
David Servenay, Benoît Collombat, Frédéric Charpier, Martine Orange & Erwan Seznec
Editions La Découverte, 30 octobre 2009
De la Seconde Guerre mondiale à la crise financière de 2008-2009, chacun croit connaître plus ou moins l'histoire de l'économie française. Mais derrière l'histoire officielle des manuels scolaires s'en cache une autre, secrète : elle met en scène les patrons qui ont réellement façonné le capitalisme français. C'est cette saga que racontent dans ce livre cinq journalistes d'investigation. Elle plonge le lecteur dans les arcanes d'un véritable " système " né dans l'après-guerre et qui, malgré ses mutations, marque encore aujourd'hui la machine patronale. Du recyclage des anciens cadres de Vichy dans la reconstruction jusqu'aux caisses noires des syndicats patronaux, en passant par le financement secret des partis politiques ou les graves dérives du paritarisme, on découvre le rôle central de personnages aussi puissants que discrets. Comme Georges Albertini, éminence grise du patronat liée à l'extrême droite dans les années 1950, ou les " conseillers du prince " qui ont influencé les choix économiques des présidents successifs de la Ve République. On découvre aussi les efficaces lobbyistes d'un patronat capable de se tailler des réglementations sur mesure au mépris de la santé des citoyens. Et qui a su s'appuyer sur des intellectuels et de grands médias pour convertir les élites politiques aux "mérites" de la finance dérégulée.
Cette somme brosse le vrai portrait de nombreux patrons français, révèle les bonnes affaires des uns dans la " Françafric ", les juteuses opérations des autres dans l'immobilier ou l'industrie. On découvre comment se sont vraiment faites la plupart des grandes fortunes françaises, celles d'hier et d'aujourd'hui : subventions extorquées à l'Etat, entreprises publiques bradées, rachats de sociétés dans des conditions obscures, montages financiers aux marges de la légalité, fraude fiscale, espionnage, coups fourrés, etc. La légende de patrons conquérants, prenant tous les risques pour faire leur fortune à la force du poignet, sort sérieusement écornée de ce magistral livre-enquête.
Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés
Marie Pezé
Flammarion, 2 mai 2010
Marie Pezé a ouvert la consultation Souffrance et travail en France à Nanterre en 1997 première d une vingtaine qui ont vu le jour un peu partout en France. Pendant treize années elle y a reçu des patients aux profils les plus divers du cadre sup à la simple secrétaire de l aide soignante au chef comptable tous ceux que l on appelle les « Ressources humaines ». Dans ce livre elle leur donne la parole pour rappeler d abord que le travail n est pas une valeur en voie de perdition. Qu au contraire s il peut sauver aussi bien que tuer c est parce qu il occupe une place centrale dans nos vies et dans notre société.
Marie Pezé dresse ce constat terrible : les troubles liés au travail se généralisent et s aggravent ; des pathologies comme la mort subite au travail habituellement réservées aux hommes touchent désormais de jeunes femmes ; enfin l hyper-productivisme devient la règle de fonctionnement dans toutes les entreprises fragilisant l ensemble des salariés.
Ce livre est d abord une galerie de portraits : Agathe l aide-soignante qui veut par dessus tout préserver la sécurité des patients hospitalités Solange l assistante de direction propulsée sur un plateau téléphonique qui tente de se plier aux exigences contradictoires du management Serge le cadre sup qui ne sent vivant que dans la surcharge de travail François juriste d entreprise qui a tenté de se suicider sur son lieu de travail parce qu il « n y arrivait pas ». Et bien d autres...
En nous faisant entrer dans sa consultation Marie Pezé nous permet de décrypter des situations de leur donner du sens. De comprendre par exemple que la notion de harcèlement seule n explique pas pourquoi certaines personnes comme Solange consentent à des situations intenables ; ou encore que la solitude voire la folie comme dans le cas d Agathe sont le lot de ceux qui veulent défendre un travail bien fait ; ou encore qu une rationalisation excessive conduit à un tel appauvrissement du travail effectué que les individus concernés peuvent se mettre à adopter des conduites criminelles.
Au fil de ces chroniques Marie Pezé nous laisse entrevoir la difficulté pour la psychanalyste qu elle est d affronter une telle lourdeur sociale. Et elle prévient : « Les Ressources humaines sont en danger ». C est pourquoi elle insiste sur l évolution de cette consultation celle des outils de diagnostic et sur le travail pluri-disciplinaire accompli avec les juristes et les médecins du travail. Et elle interpelle les managers et les responsables des ressources humaines : en nous faisant entrer dans sa consultation en présentant ses outils de diagnostic elle invite chacun à sa mesure à prendre sa part de responsabilités.
Journal d’un médecin du travail
Dorothée Ramaut
Le Cherche Midi, 1 septembre 2006
Le journal tenu par le docteur Dorothée Ramaut, de juin 2000 à mars 2006, est un témoignage unique. Il relate, au jour le jour, de l’intérieur, la vie d’une grande surface et décrit les souffrances subies par ses salariés au nom d’un mode de gestion impitoyable, qui les détruit l’un après l’autre sous prétexte d’ascension sociale puis les rejette, lorsque, épuisés ou
révoltés, ils ne peuvent plus le supporter. Jadis, les entreprises licenciaient, aujourd’hui, elles torturent moralement les indésirables pour les pousser à la démission -en réalité, à la maladie. Le docteur Ramaut, scandalisée par ces méthodes qu’elle juge » contraires aux droits de l’homme « , et dont elle a failli, elle-même, être victime après avoir tenté de les combattre, est le premier médecin du travail à rompre la loi du silence. Ce récit met à nu un problème de société qui nous concerne tous. L’impact économique de la santé, de la sécurité et des maltraitances au travail coûterait à la France entre 45 et 70 milliards d’euros par an.
L'ère du coaching : Critique d'une violence euphémisée
Geneviève Guilhaume
Editions Syllepse, 5 mars 2009
Place à l'ère du coaching! Promouvoir le développement professionnel et personnel, favoriser l'épanouissement au travail, accroître les potentialités individuelles pour obtenir des performances plus élevées dans le management ou dans la conduite de projets... Telles sont les captivantes promesses des consultants coaches. S'étendant aujourd'hui à tous les domaines de la vie privée et publique, le coaching, d'abord institué dans le sport, envahit peu à peu le monde des affaires et celui de l'entreprise. Pourquoi cette emprise? Le coaching offre à chacun de nous l'hypothétique fantasme de pouvoir se dépasser, d'aller au-delà de ses limites voire de réaliser ses rêves les plus intimes! C'est fort de ces aspirations individuelles que les consultants coaches œuvrent à légitimer des dispositifs de. management et de communication contribuant au développement de stratégies d'adaptation et de flexibilité. A charge pour les managers coachés de s'accommoder d'une violence euphémisée tant dans les finalités, les objectifs mis en rouvre que dans les méthodes utilisées. Comment y sont-ils préparés? Quelle conscience ont-ils des paradoxes de leur situation? Développent-ils des pratiques de résistance face à ces nouvelles formes de domination? La plume acérée de l'auteur fournit au lecteur des réponses aussi sensées qu'engagées.
L’horreur managériale. Gérer, instrumentaliser, détruire.
Etienne Rodin
L'Echappée, octobre 2011
Le management, cette technologie sociale érigée en discipline scientifique par les « gourous » du rendement, coachs, consultants et autres penseurs des organisations, serait la manière la plus efficace de gérer des individus et des projets pour atteindre des objectifs. Entendez plutôt : comment obtenir toujours plus avec toujours moins de moyens.
Avatar de l’économisme, c’est-à-dire de l’économie pensée comme finalité de l’activité humaine, le management entend faire de l’homme une ressource qui doit être rentabilisée le plus possible, et ce dans tous les domaines. Il s’agit de tout étudier, tout formaliser, tout programmer, tout vérifier, au nom de l’anticipation permanente, du contrôle et de l’évaluation, de la qualité et de la performance.
Le management est une discipline – au sens disciplinaire du terme – médiocre et subtile à la fois. Médiocre car elle tente d’opérer une réduction anthropologique qui ferait de nous, corps et âmes, les instruments du profit édifié en principe existentiel. Subtile car elle est aussi bien capable de nous susurrer des mots doux que de nous presser comme des citrons, sous prétexte de favoriser notre réussite, et même notre « bonheur ».
L'individu hypermoderne
Nicole Aubert
Erès, 22 mai 2004
Nous assistons à l'émergence d'un individu nouveau, dont les manières d'être, de faire, de ressentir, diffèrent profondément de celles de ses prédecesseurs. La mondialisation de l'économie, la flexibilité généralisée, conjuguées à un bouleversement des technologies de la communication, au triomphe de la logique marchande et à l'éclatement de toutes les limites ayant jusque-là structuré la construction des identités individuelles, se répercutent directement sur ce que nous sommes, ce que nous vivons, ce dont nous souffrons. L'individu " hypermodeme ", issu de ces bouleversements, présente des facettes contradictoires : centré sur la satisfaction immédiate de ses désirs et intolérant à la frustration, il poursuit cependant, dans de nouvelles formes de dépassement de soi, une quête d'Absolu, toujours d'actualité. Débordé de sollicitations, sommé d'être toujours plus performant, talonné par l'urgence, développant des comportements compulsifs visant à gorger chaque instant d'un maximum d'intensité, il peut aussi tomber dans un " excès d'inexistence ", lorsque la société lui retire les supports indispensables pour être un individu au sens plein du terme. Ce sont ce portrait contradictoire que ce livre tente de tracer et les implications de ces mutations qu'il vise à analyser.
La barbarie douce. La modernisation aveugle des entreprises et de l’école
Jean Pierre Le Goff
La découverte 1999
Depuis les années 1980, la "modernisation" est partout à l'ordre du jour. Mais au nom de la nécessaire adaptation aux "mutations du monde contemporain", c'est bien souvent une véritable "barbarie douce" que cette modernisation aveugle installe au cœur des rapports sociaux.
C'est ce que montre Jean-Pierre Le Goff dans ce livre, dans deux champs particulièrement concernés par le phénomène : l'entreprise et l'école. La barbarie douce s'y développe avec les meilleures intentions du monde, l'"autonomie" et la "transparence" sont ses thèmes de prédilection. Elle déstabilise individus et collectifs, provoque stress et angoisse, tandis que les thérapies en tout genre lui servent d'infirmerie sociale. L'auteur met à nu la stupéfiante rhétorique issue des milieux de la formation, du management et de la communication. Et explique comment elle dissout les réalités dans une "pensée chewing-gum" qui dit tout et son contraire, tandis que les individus sont sommés d'être autonomes et de se mobiliser en permanence.
L'auteur montre que cette barbarie douce a partie liée avec le déploiement du libéralisme économique et avec la décomposition culturelle qui l'a rendue possible. Et il explore les pistes d'une reconstruction possible pour que la modernisation tant invoquée puisse enfin trouver un sens.
La déprime des opprimés
Patrick Coupechoux et Christophe Dejours
Seuil, 2009
Des millions de personnes souffrent aujourd'hui d'anxiété, de phobies, de dépression. La souffrance psychique est devenue massive en France et elle touche toutes les catégories de population. Au-delà des chiffres, quelles sont les causes de ce phénomène ? Que dit-il du fonctionnement de notre société ? Pour répondre à ces questions, Patrick Coupechoux a mené une enquête auprès de ceux qui souffrent et de ceux qui soignent. Toutes les personnes qu'il a rencontrées, cadres de multinationales, ouvriers, médecins du travail, psychiatres, syndicalistes... en témoignent : au cœur de la souffrance, on trouve le travail et ses nouvelles organisations, la disparition des collectifs, la mise en concurrence des individus, l'épée de Damoclès de la précarité et de l'exclusion et, au bout du compte, l'isolement. Au-delà de l'entreprise, il y a une société qui a fait disparaître les anciennes solidarités, au profit d'un " homme économique ", individu du marché, libre et performant. Une société qui maltraite de plus en plus le sujet, livrant celui-ci à une véritable " pathologie de la solitude ". " Cet ouvrage propose un parcours empirique et intellectuel de grande ampleur ", écrit Christophe Dejours dans sa préface, dont l'originalité est de montrer que la souffrance est " un opérateur d'intelligibilité irremplaçable de la condition humaine et de la société ".
La fabrique de l'homme endetté : Essai sur la condition néolibérale
Maurizio Lazzarato
Editions Amsterdam, 25 août 2011
La dette, tant privée que publique, semble aujourd'hui une préoccupation majeure des "responsables" économiques et politiques. Dans La Fabrique de l'homme endetté, Maurizio Lazzarato montre cependant que, loin d'être une menace pour l'économie capitaliste, elle se situe au coeur même du projet néolibéral. A travers la lecture d'un texte méconnu de Marx, mais aussi à travers la relecture d'écrits de Nietzsche, Deleuze, Guattari ou encore Foucault, l'auteur démontre que la dette est avant tout une construction politique, et que la relation créancier/débiteur est le rapport social fondamental de nos sociétés. La dette ne saurait se réduire à un dispositif économique ; c'est également une technique sécuritaire de gouvernement et de contrôle des subjectivités individuelles et collectives, visant à réduire l'incertitude du temps et des comportements des gouvernés. Nous devenons toujours davantage les débiteurs de l'Etat, des assurances privées et, plus généralement, des entreprises, et nous sommes incités et contraints, pour honorer nos engagements, à devenir les "entrepreneurs" de nos vies, de notre "capital humain" ; c'est ainsi tout notre horizon matériel, mental et affectif qui se trouve reconfiguré et bouleversé. Comment sortir de cette situation impossible ? Comment échapper à la condition néolibérale de l'homme endetté ? Si l'on suit Maurizio Lazzarato dans ses analyses, force est de reconnaître qu'il n'y pas d'issue simplement technique, économique ou financière. Il nous faut remettre radicalement en question le rapport social fondamental qui structure le capitalisme : le système de la dette.
La modernisation des entreprises
Danièle Linhart
La Découverte, 1994
Sommes-nous en train de quitter le modèle taylorien-fordien ? Le travail se transforme-t-il réellement ? Peut-on parler d'autonomie dans le travail ? Quel sens doit-on désormais prêter à ce terme ? Quel est l'impact du phénomène participatif sur la réalité des entreprises ? Que signifie la volonté d'instauration d'un consensus dans l'entreprise ? Faut-il vraiment changer les salariés avant de changer le travail.
La paresse comme vérité effective de l’homme
Kazimir Malevitch
Allia, 1995
Le travail doit être maudit, comme l'enseignent les légendes sur le paradis, tandis que la paresse doit être le but essentiel de l'homme. Mais c'est l'inverse qui s'est produit. C'est cette inversion que je voudrais tirer au clair.
Le culte de l'urgence : La société malade du temps
Nicole Aubert
Flammarion, 3 septembre 2004
" Pas le temps " ! À la métaphore traditionnelle du temps qui s'écoule a succédé depuis peu celle d'un temps qui s'accélère, un temps qui nous échappe sans cesse et dont le manque nous obsède. Avec l'avènement de la communication instantanée et sous la dictature du " temps réel " qui régit l'économie, notre culture temporelle est en train de changer radicalement. L'urgence a envahi nos vies : il nous faut réagir " dans l'instant ", sans plus avoir le temps de différencier l'essentiel de l'accessoire. Ce règne du court terme produit des effets contrastés. Certains, " shootés " à l'urgence, ont besoin de ce rythme pour se sentir exister intensément. Dans d'autres cas, le climat de pression est tel qu'il corrode les individus qui déconnectent brutalement ou sombrent dans la dépression. Plus globalement, que ce soit dans le domaine de la famille, de la quête spirituelle, des modes de thérapie ou même de la littérature, le règne du temps court supplante celui du temps long. Dans une société fonctionnant souvent sur l'unique registre de la réactivité, se dessine ainsi le visage d'un nouveau type d'individu, flexible, pressé, collant aux exigences de l'instant ou à la jouissance qu'il procure, et cherchant dans l'intensité du moment une immédiate éternité.
Le droit à la paresse
Paul Lafargue
Mille et une Nuits, 1994
Juif et caraïbe par sa mère, mulâtre par son père, Paul Lafargue (1842-1911), gendre de Karl Marx, se targuait de réunir en lui le sang de trois peuples opprimés. Sa vie se confond avec la naissance du mouvement socialiste international. Dans Le Droit à la paresse, il décrit cette " étrange folie qui possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste " : l'amour du travail.
Le livre noir du travail
Philippe Poitou
L'Harmattan, 26 septembre 2007
Ce livre est une étude et une analyse psychosociologique, philosophique et culturelle de tout ce qui constitue la vie en situation de travail, tous ces éléments qui s'inscrivent dans le contexte socio-économique, historique et politique de la vie quotidienne. Combien de mots écoutés, combien de maux retranscrits fidèlement dans cet ouvrage ! Il en ressort le constat dramatique des effets destructeurs des nouvelles formes de travail toujours plus déshumanisées.
Le sabotage
Mathieu Triclot
Mille et une nuits, 8 septembre 2004
Pour les ouvriers dont le travail est exploité, " saboter ", c'est enrayer la machine de production. Syndicaliste militant et cofondateur de la Confédération générale du travail, Emile Pouget (1860-1931), publie vers 1911-1912 un véritable manuel de résistance. Subversif, méthodique, il expose avec humour la théorie et la pratique du sabotage, du " vas-y-mollo " à la grève du zèle, en passant par toutes les manières de ruiner l'image d'un patron... Car saboter n'implique pas forcément détruire. Étymologiquement, c'est " travailler comme à coup de sabot ", faire du mauvais travail. Si, comme on nous le dit, le travail est une marchandise, alors pour avoir du travail de qualité, il faut que les patrons y mettent le prix : " A mauvaise paye, mauvais travail ! ".
Le salariat : théorie, histoire et formes
François Vatin, Sophie Bernard, Collectif
La Dispute, 18 janvier 2007
Le salariat est apparu aux penseurs sociaux du XIXe siècle comme la question centrale des sociétés modernes. Sur les débris des rapports sociaux d'Ancien Régime semblait surgir une nouvelle forme de sujétion. Sur cette base, Marx a développé une théorie de l'exploitation capitaliste qui fut au cœur des confrontations politiques du XXe siècle. Pourtant, les sciences sociales contemporaines ont rarement traité frontalement du salariat, comme si l'ombre portée de Marx avait freiné une telle investigation. À l'aube du XXIe siècle, le salariat domine plus que jamais nos sociétés. Alors que certains préconisent, au nom de la " flexibilité du travail ", une dissolution généralisée des institutions salariales pour restaurer un utopique marché des producteurs, il est urgent de rouvrir ce dossier. C'est à quoi se sont attachés les historiens, économistes et sociologues réunis ici. Cet ouvrage n'entend pas proposer une théorie unifiée du salariat, mais poser les termes du débat et fournir des pistes pour comprendre sa dynamique présente. La première partie vise à définir le salariat comme concept et fait historique. S'y confrontent sans concessions quelques-uns des auteurs français qui ont le plus travaillé la question. La deuxième partie présente une série d'éclairages, sans prétention à l'exhaustivité, sur les formes contemporaines du salariat et les caractéristiques de diverses populations salariales. Ces études. appuyées sur des enquêtes originales, éclairent par leurs données factuelles et leurs analyses empiriques les débats théoriques de la première partie.
Le travail à l'épreuve du salariat: A propos de la fin du travail
Bouffartigue P./Ecke
L'Harmattan, 3 mai 2000
Le travail et son avenir sont au coeur des interrogations que suscite la crise prolongée de nos sociétés. Les auteurs soutiennent que c'est moins le travail que le salariat qui est en crise, ce mode social de mise en oeuvre du travail humain, qui le subordonne et le sépare des autres moments de la vie. C'est la forme salariée et aliénée du travail qui se révèle désormais incapable d'assurer la promotion et la reconnaissance du travail humain dans ses dynamiques contemporaines.
Le travail et son dépassement
Bruno Astarian
Editions Senonevero, 1 janvier 2002
Depuis plusieurs années, les recherches en vue d’une analyse approfondie du travail, de ce qu’il est, de ce qu’il devient, se sont multipliées. Mais le travail continue à apparaître comme une évidence, il semble encore normal de caractériser l’homme par son travail, aller travailler est toujours une fatalité quotidienne pour la plupart. Et pourtant, le travail mérite bien une définition générale allant au-delà de son évidence immédiate, et ses limites et ses méfaits actuels indiquent largement qu’il faut lui chercher un dépassement. L’essai de Bruno Astarian est unique en ce qu’il tente de donner une définition du travail dans ce qu’il a de plus essentiel, de concevoir à partir de là, la possibilité de son abolition et d’entrevoir ce que pourrait être l’activité des hommes qui en seraient libérés. Le Travail et son dépassement met en évidence la nature historiquement déterminée, et donc historiquement dépassable, du travail. Il fait apparaître le mode de production capitaliste, notamment dans le phénomène de la crise, comme la phase de l’histoire produisant les conditions d’une libération qui ne pourrait se réaliser que dans le bouleversement complet du rapport social.
Le travail, non merci!
Camille Dorival
Les Petits Matins, 6 janvier 2011
Travailler plus pour gagner plus, travailler le dimanche, travailler plus longtemps... La " valeur travail " voit ses actions grimper plus que jamais ! Un drôle de paradoxe dans une société qui compte plus de quatre millions de chômeurs et où la souffrance s'invite souvent au contrat. À rebours de ce discours, de plus en plus de personnes refusent de mettre l'emploi au centre de leur vie : chômeurs de longue durée découragés, travailleurs usés, mais aussi " militants du temps libre " ou partisans de la décroissance. Pourtant, le non-travail est souvent une manière de composer avec la réalité plutôt qu'un véritable choix ; c'est le cas pour un certain nombre de femmes au foyer, par exemple. Ce livre propose de nombreux portraits de ces " objecteurs de travail ", et interroge : au-delà de fournir un salaire, à quoi sert le travail pour chacun d'entre nous? Quelle place doit-on lui accorder dans notre société actuelle? Peut-on vivre sans travailler?
Le travail nous est compté : La construction des normes temporelles du travail
Danièle Linhart, Aimée Moutet
La découverte, 2005
La mise au travail salarial repose sur la capacité de l'employeur d'organiser au mieux le travail du salarié pendant le temps payé, c'est-à-dire de la façon la plus rentable. Or rien ne pourra empêcher que ce temps appartienne en fait aux deux parties : aux salariés qui le vivent, lui donnent sens, et à l'employeur qui doit trouver les moyens d'en faire l'usage le plus efficace. La solution taylorienne visait à désamorcer toute résistance humaine en objectivant le plus possible ce temps par des gestes imposés et des temps alloués. Les formes les plus modernes de travail visent, elles, à enrôler l'intimité et la personnalité des salariés dans des conditions qui restent imposées et au prix d'une " colonisation " de leur vie privée : vie privée et professionnelle sont désormais enchevêtrées, tributaires l'une de l'autre. Cela n'est certes pas complètement nouveau, mais ces effets semblent aujourd'hui plus profonds, avec la difficulté de programmer sa vie dans le cadre d'une mobilité généralisée, contraignant en permanence à " développer ses compétences " pour assurer son " employabilité ". Dans cet ouvrage réunissant des contributions de sociologues, d'historiens et d'économistes, une première partie étudie la construction et la déconstruction des normes temporelles du travail, et les phases de transition (notamment dans l'industrie française et dans l'ex-bloc socialiste). Une seconde partie est consacrée aux exacerbations actuelles des contradictions autour des enjeux de qualité et de productivité, dans des secteurs aussi divers que les abattoirs, les hôpitaux, la restauration rapide, les centres d'appels, les CAF et les banques.
Le travail une sociologie contemporaine
Michel Lallement
Gallimard, 8 février 2007
Partout s'observe une remise en cause apparente du travail : chômage massif, délocalisation des industries et des services, flexibilité, pluriactivité - tout semble concourir à la fin du travail, à la disparition des statuts, à la mort du lien social par l'emploi. Désaffilié, le travailleur d'hier est devenu le sans-droit d'aujourd'hui. A cette crise, beaucoup de sociologues répondent par la nécessaire mise en perspective historique du monde du travail que nous avons perdu. Michel Lallement, en contre-pied, fait une sociologie contemporaine de la crise, s'attaquant aux dimensions inédites des transformations de la production. De fait, les recherches et analyses de la sociologie peuvent et doivent aider à comprendre objectivement des conditions collectives de travail et de vie trop souvent vécues sur un mode purement subjectif et individuel. Pour Michel Lallement, nul doute que le travail, moteur et révélateur des mutations contemporaines, garde sa place centrale d'institution sociale. Le travail est de retour.
Le travail une valeur en voie de disparition
Dominique Méda
Flammarion, 1 novembre 1998
Hommes politiques, experts et économistes rivalisent aujourd'hui pour trouver les moyens d'augmenter le volume du travail.
Tous semblent tenir pour acquis que l'homme a besoin de travail et que celui-ci non seulement a toujours été mais encore demeurera au fondement de notre organisation sociale.
Et si cela était faux ?
Si le travail n'était qu'une " invention " récente dont nos sociétés ont ressenti la nécessité dans un contexte historique particulier, une solution datée dont nous pourrions désormais nous passer ?
La volonté farouche des pouvoirs établis de " sauver le travail " ne trahit-elle pas la difficulté que nous éprouvons à passer à une autre époque où le travail ne constituerait peut-être plus une valeur centrale ? Cherchant à situer le moment où le travail est devenu un besoin,
Dominique Méda tente d'expliquer pourquoi nous avons glorifié l'instrument de notre souffrance et comment le travail a pu être tenu pour l'origine du lien social. Elle dessine alors un ordre des priorités : avant de nous engager dans la recherche des solutions au chômage, nous interroger sur le sens du travail ; avant de présenter des réponses exclusivement économiques à cette question, faire la critique de l'économie elle-même ; à l'heure de mettre en œuvre des politiques, examiner auparavant les rapports étroits qu'entretiennent l'idéologie du travail et le dépérissement de la politique...
Leçon d'histoire sur le syndicalisme en France
Pierre Karila-Cohen, Blaise Wilfert
PUF, 1 novembre 1998
Cet ouvrage se propose de présenter de manière synthétique et pédagogique, à l'usage des élèves de classes préparatoires, de premier et de deuxième cycles universitaires, mais aussi de tous les lecteurs curieux d'histoire, les acquis récents de la recherche historique et sociologique sur le syndicalisme en France depuis les premières organisations ouvrières du XIXe siècle jusqu'à la crise actuelle des grandes confédérations et ses conséquences pour le système social français. Existe-t-il un modèle spécifique de syndicalisme français ? Quelle place les organisations professionnelles ont-elles tenu dans l'histoire de ce siècle ? Quelle interprétation peut proposer l'histoire de la crise actuelle du syndicalisme ?
Les désordres du travail : Enquête sur le nouveau productivisme
Philippe Askenazy
Seuil 2004
Savons-nous bien parler de la pénibilité du travail aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr. La "souffrance au travail", le "harcèlement moral" ou encore les "métiers difficiles" forment un lexique flou qui tend à psychologiser, à criminaliser ou à limiter le problème. Ce qui est sûr cependant, c’est qu’elle augmente, occasionnant maladies et accidents dans des proportions inédites depuis longtemps et le plus souvent sous-estimées. Quelles en sont les causes réelles, au-delà des explications psychologiques et idéologiques toujours réductrices ? Comment lutter contre ? Comment redonner un langage social et politique à cette question ?
Les Métamorphoses de la question sociale : Une chronique du salariat
Robert Castel
Fayard, 25 janvier 1995
La longue marche du salariat
Le salariat, en un siècle, était parvenu à endiguer précarité et exclusion. Le retour de ces plaies du travail moderne, qui frappent les plus démunis, marque le délitement de cet édifice.
Pas de solutions au chômage dans cette somme minutieuse qui décortique la construction du salariat au fil du siècle qui s'achève. Mais une analyse précise des racines de cette condition qui est passée de celle d' indignité sociale à un statut capable de rivaliser avec celui du travail indépendant et de la propriété.
Envisagé et vécu comme une forme moderne du servage - il s'agissait de fixer les émigrants des campagnes -, le salariat s'est petit à petit organisé au gré des rapports de forces et de l'action collective comme un rempart à la précarité et à l'exclusion. Deux fléaux, insiste l'historien sociologue, que nos sociétés industrielles ont certes déjà connus, mais de façon sinon plus brutale, du moins plus mortelle qu'aujourd'hui. Différence notable, note-t-il, l'exclusion hier s'accompagnait de famine. Aujourd'hui, Ed et autres distributeurs à prix cassés sont venus y remédier.
C'est pourquoi Robert Castel préfère parler de désaffiliation plutôt que d'exclusion. Et de mettre le doigt sur les zones grises de l'emploi qui se répandent entre l'intégration totale dans l'entreprise, dotée de tout l'arsenal conquis collectivement, et la rue: ce monde flou où se croisent CDD, intérimaires, stagiaires, contrats de réinsertion, érémistes.
Un constat qui n'en fait pas pour autant un militant de l'insertion, dont il dénonce les risques de néophilanthropie, proche des tentatives de moralisation de la classe ouvrière au xixe. A ceci près qu'alors les moralisateurs offraient en contrepartie à la bonne conduite une réelle intégration dans le monde du travail, tandis qu'aujourd'hui le bon chômeur ne se voit plus offrir qu'un maigre filet de sécurité avant la marginalisation totale.
Sans contester le bien-fondé des analyses qui posent les jalons de la société postsalariale, Robert Castel souligne néanmoins le prix payé par les plus démunis et les plus fragiles pour cette mutation historique. La société salariale, reconnaît-il, n'est pas une entité éternelle. C'est une formation sociale relativement récente, et qui aura une fin. Le problème étant de gérer l'intermède. Le statut du salariat, dit-il, correspondait à une forme de compromis social, à l'acceptation d'une certaine domestication du marché. Le marché s'est réveillé, l'action collective s'est délitée. Elle est sans doute à réinventer, sous d'autres formes, pour l'édification d'un nouveau compromis. (L'Expansion) --Pascale-Marie Deschamps--
Les sentiers de l'utopie
Isabelle Fremeaux & John Jordan
éditions ZONES, 10 février 2011
Quand les tempêtes de la crise financière ont commencé à souffler en 2007, Isabelle Fremeaux et John Jordan se sont lancés sur les routes européennes pour faire l'expérience de vies post- capitalistes. Ils n'étaient pas à la recherche d'un pays de nulle part, d'un modèle universel ou d'un avenir parfait, mais voulaient rencontrer des communautés qui osent vivre différemment, malgré cette catastrophe qu'est le capitalisme. Pendant sept mois, ils ont voyagé et visité onze communautés et projets. D'un Camp Climat installé illégalement aux abords de l'aéroport d'Heathrow, jusqu'à un hameau squatté par des punks Cévenols, en passant par une communauté anglaise à très faible impact écologique, des usines occupées en Serbie, un collectif pratiquant l'amour libre dans une ancienne base de la Stasi ou une ferme ayant aboli la propriété privée, Isabelle Fremeaux et John Jordan ont partagé différentes manières d'aimer et de manger, de produire et d'échanger, de décider des choses ensemble et de se rebeller. Avec le maire d'un village espagnol qui avait exproprié les terres du duc local, avec les élèves en charge d'une école anarchiste et le facteur philosophe de la Libre Ville danoise de Christiania, les auteurs ont vu vivre dans les interstices invisibles du système dominant des Utopies bien vivantes. De cette expérience a émergé un film-livre (le DVD est fourni avec l'ouvrage). Le texte est un récit de voyage captivant, analysant les communautés, leurs pratiques et leurs histoires. Le film est un docu-fiction, tourné pendant le périple, prenant la forme d'un road-movie poétique situé dans un futur post-capitaliste. Les personnages et les lieux circulent du livre au film. Dans Les Sentiers de l'Utopie, les mots et les images jouent avec les frontières entre présent et futur, imagination et action. Cette publication unique nous donne envie de vivre d'autres vies, et nous met au défi de commencer dès aujourd'hui.
Le nouvel esprit du capitalisme
Boltanski L., Chiapielo
Gallimard, 1999
"L'art de la récupération
La situation sociale se dégrade, pourtant le capitalisme triomphe. Partant de ce constat, les auteurs s'interrogent : malgré ses tares, malgré les dégâts humains qu'il engendre, comment le capitalisme peut--il encore apparaître comme le seul système possible, voire souhaitable ? Sans doute grâce à sa capacité d'adaptation, de récupération et de communication. Le capitalisme a besoin de faire partager une idéologie, un " esprit " pour obtenir l'adhésion des personnels nécessaires à la production et à la marche des affaires. " Pour être mobilisateur ", précisent même les auteurs, cet esprit doit " incorporer une dimension morale. " Alors qu'il subissait une crise croissante d'adhésion à la fin des années 60, le capitalisme a su rebondir en récupérant une partie des thèmes de la contestation de Mai 68.
En étudiant les discours du management des années 90, Luc Boltanski et Eve Chapiello montrent notamment comment ceux-ci ont intégré les thèmes de l'autonomie, de la créativité, du rejet de la hiérarchie, du refus de la planification, ou font l'éloge des petites structures en réseau... Résultat, la critique " artiste ", qui dénonçait l'alliance du capitalisme et de la bureaucratie, est muselée. Et la critique " sociale ", figée sur de vieux schémas de production hiérarchisée, devient inopérante. Malgré l'épaisseur du volume, le propos est passionnant. Et chacun peut y puiser quelques éléments de réflexion pour se réapproprier son existence." Delphine Sauzay
Lettres de non-motivation
Julien Prévieux
Editions ZONES, 22 novembre 2007
Toutes les lettres que vous allez lire sont authentiques. Julien Prévieux est artiste. Il y a huit ans, après avoir vainement cherché un emploi, il s'est mis à les refuser tous. Il a décidé de prendre les devants : refuser l'emploi qui nous est de toute façon refusé. Depuis, il a rédigé et envoyé plus de 1 000 lettres de non-motivation en France et à l'étranger. Il a reçu environ 5 % de réponses, en majorité automatiques. Vous trouverez ici une sélection des meilleures lettres, regroupées en deux parties : celles avec les réponses des entreprises et celles restées sans réponse.
La lettre de motivation est un jeu social dont personne n'est dupe, un exercice obligatoire dans le rituel du recrutement. Julien Prévieux joue à ce petit jeu comme quelqu'un qui écrirait de vraies lettres, en réponse à des offres d'emploi qui lui auraient été personnellement adressées, et qui petit à petit, deviendrait fou, finissant lui aussi par envoyer des lettres automatiques, une machine écrivant à des machines. Son propos n'est pas celui du pastiche ou de la caricature (imiter, grossir le trait). C'est tout l'inverse : chacun des personnages qu'il incarne tour à tour fait apparaître, précisément son franc-parler, ce jeu social comme ce qu'il est un jeu factice, mensonger et, en définitive, d'une incroyable violence. On comprend que la plupart du temps cette lettre dans laquelle le candidat est censé se livrer, exprimer sa personnalité et ses désirs, n'aura même pas été lue avant d'atteindre la corbeille. En ce sens, la lettre de motivation apparaît comme la mise en scène de l'infériorité du demandeur et de la toute puissance de l'entreprise.
C'est cet exercice imposé de la fausseté, du mensonge en soi et de l'humiliation, que les lettres ici rassemblées, dans leurs formes variées, proliférantes, souvent dingues et toujours opiniâtres, font dysfonctionner.
À l'heure du « travailler plus » pour vivre moins, ces lettres de non-motivation nous réapprennent quelque chose de fondamental. Retrouver cette capacité, jouissive, libératrice, de répondre : non.
Marx (mode d'emploi)
Bensaid Daniel
La Découverte, 30 avril 2009
Dans les années 80, en pleine offensive néolibérale, le magazine Newsweek pouvait titrer, triomphalement: "Marx est mort." Mais les spectres ont la peau dure. Aujourd'hui, Marx est de retour. En ces temps de crise fracassante du capitalisme et de grande débandade idéologique, on le redécouvre. Même le très libéral conseiller de l'Elysée, Alain Minc, s'est récemment déclaré " marxiste " - sans rire - en matière d'analyse économique. Mais qui fut Marx? Qu'a-t-il vraiment dit? Ce petit ouvrage offre une introduction ludique à sa pensée, sa vie, son oeuvre. Un panorama clair et souvent drôle qui associe bande dessinée et philosophie, humour et esprit de synthèse pour présenter dans toute son actualité la pensée du principal théoricien de l'anticapitalisme. Marx est resté célèbre pour son explication des contradictions et des crises du capitalisme. Pour en savoir plus, on suivra le roman policier du Capital : à la recherche de la valeur perdue, on retracera les mécanismes de l'accumulation du capital jusqu'à percer le secret du fétichisme de la marchandise. A la fois aide-mémoire, cours d'introduction et lecture récréative, Marx, mode d'emploi offre une petite trousse à outils pour la pensée et pour l'action.
Métamorphoses du travail : Critique de la raison économique
André Gorz
Editions Gallimard, 6 mai 2004
Cela ne s'appelait pas encore la " mondialisation libérale ", que déjà André Gorz, voilà bientôt vingt ans, en pionnier critique d'une rare intelligence analytique, dénonçait la croyance quasi religieuse que " plus vaut plus ", que toute activité - y compris la maternité, la culture, le loisir - est justiciable d'une évaluation économique et d'une régulation par l'argent. Gorz détermine les limites - existentielles, culturelles, ontologiques - que la rationalité économique ne peut franchir sans se renverser en son contraire et miner le contexte socioculturel qui la porte. Le lecteur découvre pourquoi et comment la raison économique a pu imposer sa loi, provoquer le divorce du travail et de la vie, de la production et des besoins, de l'économie et de la société. Pourquoi, sous nos yeux, elle désintègre radicalement la société ; pourquoi nombre d'activités ne peuvent être transformées en travail rémunéré et en emploi, sans être dénaturées dans leur sens.
Misère du présent, richesse des possibles
André Gorz
Galilée, 1997
Il faut apprendre à discerner les chances non réalisées qui sommeillent dans les replis du présent. Il faut vouloir s'emparer de ces chances, s'emparer de ce qui change. Il faut oser rompre avec cette société qui meurt et qui ne renaîtra plus. Il faut oser l'Exode. Il faut ne rien attendre des trairements symptomatiques de la " crise ", car il n'y a plus de crise : un nouveau système s'est mis en place qui abolit massivement le " travail ". Il restaure les pires formes de domination, d'asservissement, d'exploitation en contraignant tous à se battre contre tous pour obtenir ce " travail " qu'il abolit. Ce n'est pas cette abolition qu'iI faut lui reprocher : c'est de prétendre perpétuer comme obligation, comme norme, comme fondement irremplaçable des droits et de la dignité de tous ce même " travail " dont il abolit les normes, la dignité et l'accessibilité. Il faut oser vouloir l'Exode de la " société de travail " : elle n'existe plus et ne reviendra pas. Il faut vouloir la mort de cette société qui agonise afin qu'une autre puisse naître sur ses décombres. Il faut apprendre à distinguer lés contours de cette société autre derrière les résistances, les dysfonctionnements, les impasses dont est fait le présent. Il faut que le " travail " perde sa centralité dans la conscience, la pensée, l'imagination de tous : il faut apprendre à porter sur lui un regard différent ; ne plus le penser comme ce qu'on a ou n'a pas, mais comme ce que nous faisons. Il faut oser vouloir nous réapproprier le travail.
Ne pas perdre sa vie à la gagner : Pour un revenu de citoyenneté
Baptiste Mylondo
Editions du Croquant, 25 novembre 2010
Le culte imbécile du turbin n'a que trop duré, il faut l'abolir ! La tâche est rude alors que la réhabilitation de la " valeur travail " est au coeur des projets politiques de tous bords. Mais oublions la réhabilitation, c'est bien dans l'abolition qu'est le remède. Car notre société est malade du travail. Sans travail, pas de chômage ! C'est bien le poids écrasant du travail et la place exorbitante qu'il occupe aujourd'hui qui rendent son absence si pénible aux chômeurs. La " révolution laborieuse " a progressivement fait du travail un devoir. Un devoir religieux d'abord, destiné à lutter contre l'oisiveté mère de tous les vices. Un devoir civique ensuite, entérinant le " contrat social " capitaliste et son objectif d'accumulation de richesses sans fin ni finalité. La "valeur travail " n'est que l'expression de ce devoir inepte qu'il nous faut abolir. Au-delà de tout choix de société et de toute orientation politique, chaque individu doit pouvoir décider librement de la place qu'il entend accorder au travail dans son existence. Dans cette optique, la création d'un revenu de citoyenneté, qui répond à un idéal de justice sociale, prend tout son sens.
Ne sauvons pas le système qui nous broie !
Sous-Comité décentralisé des gardes-barrières en alternance
Le Passager Clandestin, 24 mars 2009
La terreur d’État, l’asservissement industriel, l’abêtissement capitaliste et la misère sociale nous frappent tous et toutes. Insidieusement et continuellement, ces forces néfastes séparent notre être intime. Une partie de nous se voit subrepticement contrainte à être le bourreau de notre autre moi, celui qui rêve, sait et veut que ce monde ne soit pas celui-là. Combien d’entre les citoyens tentent difficilement de défaire la nuit ou pendant leur maigre temps libre ce dont ils ont été complices chaque jour travaillé ? Ce mépris dans lequel nous tient le système est essentiel, comme est fondamentale la négation de nos envies authentiques au profit d’un seul désir : consommer.
Au moment où la perspective de l’implosion du système capitaliste devient enfin plausible, il s’agit d’accompagner son effondrement et de s’organiser en « communes » qui privilégient l’être à l’avoir – parce qu’il n’y a plus rien à attendre de l’État – et offrent la possibilité à chacun d’entre nous d’accéder librement – en limitant dans la mesure du possible les échanges d’argent – à la nourriture, à un logement, à l’éducation, et à une activité choisie.
Pas de pitié pour les gueux
Laurent Cordonier
Raisons d'agir, 2000
"En une centaine de pages, à la fois pédagogiques et drôles, l’économiste Laurent Cordonnier propose une déconstruction méticuleuse des principaux « mythes » qui façonnent les théories économiques du chômage. D’abord, l’auteur donne aux novices les bases pour comprendre ce que sont, en économie néoclassique, l’offre, la demande, et le marché du travail. Ensuite, l’analyse critique peut commencer. Le salaire minimum n’est pas une cause du chômage, comme le ressassent les libéraux, mais une protection contre ses effets. L’indemnisation du chômage n’« incite » pas à la « paresse », et le chômage n’est pas « volontaire » puisqu’il peut exister en l’absence de « rigidités » du salaire nominal et des prix. Enfin, Laurent Cordonnier passe en revue les nouvelles théories du chômage. Il apparaît alors que derrière un vernis de scientificité se cachent les présupposés les plus grossiers. Le livre se conclut par un décryptage de la « politique anti-inflationniste » de la Banque centrale européenne (BCE). L’auteur explique comment, sous couvert de lutter contre l’inflation, la BCE contribue à perpétuer la pression à la baisse sur les salaires que le chômage de masse avait entretenue ces dernières années."
Paul Lagneau-Ymonet, Le Monde diplomatique
Perte d'emploi, perte de soi
Danièle Linhart
ERES, 2002
« Une fermeture ou des licenciements ne constituent pas seulement des faits quantifiables : nombre d'emplois perdus, nombre de personnes reclassées, mises en préretraite, indemnités financières, formations offertes, déménagements éventuels. Ils représentent autant d'épreuves, de ruptures, de traumatismes, de pertes - de repères, d'identité - qui s'effacent derrière les impératifs économiques, financiers, les diktats de la modernisation, les nouvelles règles du jeu de la mondialisation. [...]
Qui s'occupe vraiment de ce que les gens vivent, de la violence de la déchirure qu'ils subissent ? [...] Comment accepter l'idée que les gens ont à s'adapter aux règles du jeu économique quel qu'en soit le prix subjectif ? Que le vécu, les sentiments, au fond tout ce qui spécifie l'être humain, doivent s'effacer devant la logique économique et la forme qu'elle prend dans la modernisation ? Il faudra bien un jour que la société se reprenne et reconsidère sa hiérarchie des valeurs. Qu'elle accepte l'idée qu'avant l'économie et ses lois, il y a l'être social, comme elle est en train de découvrir peu à peu qu'il y a également les lois de la nature qui imposent des préoccupations écologiques, aussi restrictives soient-elles pour l'économie. » - D. L.
Ce document qui se lit comme un roman apporte des éléments concrets pour comprendre les transformations objectives et subjectives du monde du travail dominé aujourd'hui par les politiques managériales modernisatrices qui, si elles misent sur l'individualisation à outrance et la mobilisation de la subjectivité des salariés, privilégient les critères économiques et financiers en les déconnectant de leurs incidences humaines.
Putain d'usine
Jean Pierre Levaray
L’Insomniaque, 2002
« Tous les jours pareils. J’arrive au boulot et ça me tombe dessus, comme une vague de désespoir, comme un suicide, comme une petite mort, comme la brûlure de la balle sur la tempe. Un travail trop connu, une salle de contrôle écrasée sous les néons – et des collègues que, certains jours, on n’a pas envie de retrouver. On fait avec, mais on ne s’habitue pas. On en arrive même à souhaiter que la boîte ferme. Oui, qu’elle délocalise, qu’elle restructure, qu’elle augmente sa productivité, qu’elle baisse ses coûts fixes. Arrêter, quoi. Qu’il n’y ait plus ce travail, qu’on soit libres. Libres, mais avec d’autres soucis.
Personne ne parle de ce malaise qui touche les ouvriers qui ont dépassé la quarantaine et qui ne sont plus motivés par un travail trop longtemps subi. Qu’il a fallu garder parce qu’il y avait la crise, le chômage. Une garantie pour pouvoir continuer de consommer à défaut de vivre.
On a remplacé l’équipe d’après-midi, bienheureuse de quitter l’atelier. C’est notre tour, maintenant, pour huit heures. On est installés, dans le réfectoire, autour des tasses de café. Les cuillères tournent mollement, on a tous le même état d’esprit et aussi, déjà, la fatigue devant cette nuit qui va être longue. »
Ouvrier dans l’agglomération rouennaise, Jean-Pierre Levaray ne fait pas secret de son travail d’auteur cherchant à s’évader du monde qu’il décrit : celui de l’exploitation quotidienne du travail posté dans une usine de produits chimiques. Cette réalité qui forge la lutte des classes et la reproduit sans cesse.
Souffrances, le coût du travail humain
Philippe Poitou
Editions L'Harmattan, 1 juin 2005
Philippe Poitou, Ergonome issu du Conservatoire National des Arts et Métiers, décrit et explique les effets pervers du travail sur la vie humaine. Il a passé dix ans à observer et analyser le vécu d'hommes et de femmes dans les entreprises. Il apporte un témoignage approfondi et un éclairage précis sur la souffrance au travail, le stress, et les pressions psychologiques subies par les salariés. Il nous expose tous les effets négatifs générés par les nouvelles organisations où face au pouvoir économique et financier l'homme compte si peu.
Toujours contre le travail
Philippe godard
Les Editions Aden, 4 mars 2010
La remise en cause du travail est une remise en cause du "sens de la vie". Et je postule que si l'Homme ne peut se passer de travailler, il ne peut se passer non plus de critiquer le travail car loin d'être supérieur aux autres activités humaines, le travail en est au contraire la lie puisqu'il empêche, par la place qu'il occupe dans la vie et dans les rapports sociaux, la création et l'invention d'autres rapports. Si priver l'Homme de son travail revient à le priver de son cerveau et de ses mains, à en faire un zombie puisqu'il ne sait guère faire autre chose que travailler ou recomposer ses forces pour attaquer un nouveau cycle de travail, il nous faudrait alors constater que notre évolution a réduit l'Homme à un être dont le cerveau et les mains ne servent plus qu'une seule fin: le travail. Et abandonner toute critique, "nous imaginer heureux", comme le disait Camus...
Travail, critique du travail, émancipation
Michel Husson, Stéphanie Treillet, Danièle Linhart, et Louis-Marie Barnier
Syllepse, 2006
L'urgence, c'est de défendre le droit à l'emploi. Pour autant, on ne peut faire l'économie d'une réflexion plus générale sur le travail et sur sa réalité actuelle dans un monde dominé par le capital. Ce " Cahier de Critique communiste " propose une démarche d'ensemble, liant défense du droit à l'emploi, réduction massive du temps de travail, développement des droits des salarié(e)s et démarchandisation de la force de travail. Ce faisant, les auteurs critiquent les théories de la " fin du travail " et discutent de la perspective d'un " statut de salarié ". Ils démontent aussi la division sexuée du travail, les nouvelles organisations de celui-ci et les souffrances qu'elles occasionnent. Enfin, ce livre est l'occasion d'un retour critique sur les rapports du mouvement ouvrier au travail. Se libérer de la domination du capital, c'est aussi réduire massivement le temps de travail, afin de permettre aux individus de se libérer du travail.
Travail et décroissance
André Gorz, Serge Latouche, Laurent Cordinnier, Serge Guibert, Collectif
Parangon, 22 mars 2007
La question du travail réunit toutes celles de notre temps d’intranquillité. La crise sociale, la crise écologique et la crise des valeurs culturelles ont fissuré l’ancien édifice qui abritait les vertus qu’on prêtait naguère au travail.
Pour sortir de l’impasse dans laquelle le « funeste credo de croître » sans limites nous a entraîné, il apparaît évident qu’il faut revisiter l’immémoriale interrogation sur la finalité des activités humaines. Si l’approche économique a pour tâche d’analyser rigoureusement les lignes de fractures et les failles d’inhumanité que révèle le travail aliéné, elle doit s’enrichir par une vision audacieuse et des propositions désirables afin de réorienter notre anthropologie de la vie quotidienne, de retrouver un sens fraternel et un horizon dégagé des absurdités présentes.
L’idée de décroissance, au-delà de son caractère bravant l’air du temps, réanime notre lucidité et remet le travail à sa juste place, à côté de l’œuvre et de l’action, pour que chacun puisse, dans un même élan, rechercher son autonomie et son accomplissement. Démarches volontaires et inséparables, certainement, du bouleversement radical de la société dans laquelle nous ne cessons d’apprendre et d’exercer « le métier de vivre »
Travail, usure mentale : Essai de psychopathologie du travail
Christophe Dejours
Bayard, 15 mai 2008
Depuis trente ans, Christophe Dejours nous alerte sur la souffrance au travail. Trente ans de recherche qui ont fait de lui un des spécialistes de cette question les plus écouté des salariés et de leurs représentants mais aujourd'hui aussi des chefs d'entreprises. Et si tous viennent lui demander conseil, c'est qu'ils sont inquiets de l'augmentation des pathologies mentales dans l'entreprise, y compris chez les cadres les plus dévoués et performants, quand ils ne sont pas stupéfaits par des suicides à répétition. Ce livre, devenu un classique, met au jour les processus qui sont bel et bien en cause, aujourd'hui encore, dans la déstructuration effrayante du monde du travail à laquelle nous assistons. "Force est d'admettre que l'aggravation des pathologies mentales du travail et le surgissement macabre de ces suicides jusqu'au milieu de communautés humaines hébétées, sonne le glas de la culture. ". Cette nouvelle édition comporte, outre les textes de 1980, 1993 et 2000, une nouvelle préface de l'auteur.
Travailler deux heures par jour
Le collectif Adret
Le Seuil, 1977
« Perdre sa vie à la gagner ? Il n’est pas facile de s’interroger sur son travail. Dans notre société, la question « A quoi sert mon travail ? » risque vite de déboucher sur « A quoi est-ce que je sers ? ». C’est notre moi profond qui est ébranlé, notre légitimité dans la société. Il n’est donc pas surprenant que ceux qui parlent ici soient des gens qui ont eu l’occasion de prendre du recul par rapport à leur travail . « … Pour parler de la vie quotidienne d’un ouvrier en 3x8, il faudrait presque refaire un dictionnaire et redéfinir les mots : amour, vie, repos, manger, espoir, etc. » (Charly Boyadjian)
« Suzanne Bonnevay, la secrétaire de notre laboratoire, n’a rien d’une gauchiste. Son témoignage , « Réflexions d’une secrétaire qui cherche un sens à son travail », sonne d’autant plus juste qu’elle croit au travail bien fait : elle exécute avec zêle les tâches pourtant abrutissantes du secrétariat scientifique. Il y a deux ans, Suzanne assurait le secrétariat d’un congrès de physique, en province, consacré à « la Terre et ses énergies ». A son retour, elle découvrait que le paysage qu’elle aime regarder de sa fenêtre chaque matin avait été défiguré par d’énormes pylônes de haute tension ; pendant que les uns parlaient de la Terre, d’autres la saccageaient, irréversiblement. Ce jour-là, pensant à son énergie à elle, Suzanne me dit qu’elle se sentait un peu comme la Terre, gâchée par une société avide et aveugle ... »
(Ed. du Seuil, 1977)
Travailler peut nuire gravement à la santé
Annie Thébaud-Mony
La Découverte, 2007
Les savoirs scientifiques et médicaux permettent aujourd’hui d’identifier de très nombreux facteurs d’altération de la santé par le travail. Pourtant, on constate la généralisation de la mise en danger délibérée d’autrui dans les choix d’organisation du travail, ainsi que dans les politiques publiques les rendant légitimes. Comment expliquer cette contradiction ? Par la pression des « décideurs », chargés d’abaisser constamment les coûts et qui sous-traitent le travail et ses risques. En bout de cascade de la sous-traitance, la figure de l’intérimaire et de tous les travailleurs « invisibles » témoigne d’un retour à l’insécurité et à l’indignité, formes modernes de servitude.
À partir de nombreux témoignages recueillis dans divers secteurs de l’industrie et des services, et à partir de l’exemple phare de l’amiante, ce livre met en lumière l’« angle mort » de la santé publique : les atteintes à la vie, à la santé et à la dignité des travailleurs. Se situant en référence au code de procédure pénale, l’auteure montre comment, au nom des règles du capitalisme néolibéral, l’impunité des responsables est totale, qu’il s’agisse de l’homicide, du délit de mise en danger d’autrui, des atteintes à la dignité ou de la non-assistance à personne en danger. Elle montre aussi les dérives d’une recherche sous influence. Un livre salutaire qui appelle à la vigilance citoyenne et à la résistance individuelle et collective.
Travailler pour être heureux ?
Christian Baudelot et Michel Gollac
Fayard, janvier 2003
Que faut-il pour être heureux ? Quelle place occupe le travail dans la vie des Français et des Françaises ?
Quels sont les aspects du travail susceptibles de favoriser un rapport heureux ou malheureux à l'activité professionnelle ? A l'heure du passage controversé aux 35 heures, autant de questions qui invitent à repenser la place du travail et du bonheur dans la vie quotidienne.
Didactique, clair, et toujours stimulant, cet ouvrage, résultat d'une enquête menée sur plusieurs années, est parsemé de témoignages vivants dans lesquels le lecteur se reconnaîtra facilement et puisera matière à expliquer ses propres ambivalences dans son rapport au travail. Car si les conditions objectives de travail participent de ce rapport, d'autres facteurs comme la trajectoire sociale ou le sexe sont décisifs. On apprend également que si un surcroît d'autonomie est synonyme de bonheur chez les cadres, il ne l'est pas nécessairement chez les ouvriers ; que le bonheur et surtout le malheur au travail se rencontrent dans toutes les catégories socioprofessionnelles ; et que le sentiment d'exploitation, qui définissait hier la condition ouvrière, a pris d'autres contours et fait aujourd'hui partie intégrante du vécu collectif.
A lire: un excellent résumé du livre sur le site Alternatives Economiques
Travailler tue en toute impunité...
Louis-Marie Barnier, Laurent Garrouste, Caroline Mécary, Annie Thébaud-Mony, Willy Pelletier
Editions Syllepse, 3 septembre 2009
Le constat est sans appel : le travail rend malade et tue. Le nombre de maladies professionnelles a explosé, passant de 13658 en 1996 à 52 979 en 2005. La course au profit, de moins en moins entravée, sème la maladie et la mort. La mise en danger d'autrui par des choix de politique économique bénéficie d'une incroyable mansuétude. Les condamnations restent rares, et trop souvent symboliques. Trop souvent les procédures relatives aux accidents mortels du travail sont classées sans suite. Trop souvent les condamnations ne touchent que les employeurs en bout de chaîne de sous-traitance, tandis que les grands donneurs d'ordre, dont la responsabilité dans l'organisation du travail est pourtant essentielle, ne sont qu'exceptionnellement concernés. La Fondation Copernic analyse dans ce livre le contexte d'une telle mansuétude. Elle propose des pistes pour faire de la question de la santé au travail une question politique au sens plein du terme. Travailler tue aujourd'hui impunément : pour combien de temps encore ?
Tue ton patron
Jean-Pierre Levaray
Editions Libertalia, 15 février 2010
Eh oui, j'ai tué mon patron. Il ne pouvait pas en être autrement. j'avais perdu mes plus belles années entre les murs de son entreprise, j'avais vu quelques copains y mourir, j'y avais usé ma santé, mais ça n'a pas empêché qu'un jour je reçoive ma lettre de licenciement. j'ai fait partie de la dernière charrette. jeté comme un Kleenex, ni plus ni moins. Le restant de ma vie cassée, vidée. E fallait bien que quelqu'un paie et je n'ai pas eu de mal à savoir qui. je suis allé dans son antre, là où il dirige tout. je l'ai traqué, suivi. j'ai appris à connaître son milieu, à rencontrer son entourage et ses congénères... Et un jour, plutôt une nuit...
Une apologie des oisifs
Robert Louis Stevenson
Allia, 1999
A côté de ses romans, Stevenson est l’auteur de nombreux essais, considérés comme des chefs-d’œuvre par Borges ou Nabokov. Sa virtuosité, son humour, son ton paradoxal, sa façon d’aborder les questions les plus profondes à travers les détails les plus prosaïques l’inscrivent dans la grande tradition des essayistes anglo-saxons. On se persuadera à la lecture de ces textes jubilatoires, où défile une galerie d’excentriques anglais de la plus belle eau que la paresse et la conversation - au même titre que l’assassinat - méritent de figurer parmi les beaux-arts. Non pas la simple reprise du volume précédent mais une édition augmentée d’un autre long essai dans une traduction inédite, consacré à la causerie, et qui prolonge avec bonheur les réflexions de Stevenson sur l’oisiveté.
Une critique du travail
Françoise GOLLAIN
Textes à l'appui / Écologie et société, mars 2000
Historiquement, le travail a été conçu comme l'instrument par excellence de l'entreprise humaine de domestication de la nature, tout à la fois espoir de libération et fondement d'une société nouvelle. Il faut pourtant se rendre à l'évidence : l'utopie tourne aujourd'hui au cauchemar. La précarisation accélérée des situations d'emploi, la détérioration sans précédent de l'environnement naturel et, de manière générale, la " marchandisation " croissante de notre vie sociale et culturelle nous incitent à reconsidérer la place et la fonction du travail dans les sociétés contemporaines. Dans cet ouvrage remarquable, Françoise Gollain apporte une contribution éclairante à la critique du travail et de ses avatars post-fordistes. À la suite des travaux de André Gorz, elle conteste au travail son statut de principe organisateur du corps social, elle montre comment la réduction du temps de travail, le revenu minimum garanti et les pratiques économiques alternatives, en accompagnant la crise de la société salariale, sont susceptibles de remettre en cause les fondements de la société productiviste et de constituer une issue libératrice aux mutations actuelles.
Un revenu pour tous ! : Précis d'utopie réaliste
Baptiste Mylondo
UTOPIA, 1 juin 2010
Et si l'on proclamait un droit au revenu ? Et si l'on versait à chaque citoyen une allocation de base, sans aucune condition ni contrepartie ?
L'idée est séduisante et ses avantages nombreux : Baptiste Mylondo en présente dix et nous explique que s'il y a un revenu inconditionnel "de gauche", il y en a aussi un "de droite". Ces deux approches correspondent en fait à des logiques opposées. Mais les objections, qu'elles soient de principe, idéologiques ou financières, ne manquent pas : utopique, pas finançable, techniquement impossible, immoral, plus personne ne voudra travailler, pas de droit sans devoir...
Ces critiques sont analysées par l'auteur en s'appuyant sur les nombreux textes, réflexions ou expérimentations réalisées dans différents pays. Ce livre vise à répondre à ces principales objections opposées aujourd'hui au revenu inconditionnel, objections qui restent trop souvent sans réponses du fait de l'absence d'un débat politique éclairé sur la question.
Un ouvrage indispensable pour qui pense que la crise sociale et environnementale ne pourra pas se résoudre sans une remise en cause profonde des systèmes qui nous ont conduits à cette situation.