L'organisation du travail

La hiérarchie

Une entreprise est organisée verticalement, les salaires les plus élevés se concentrant vers le haut de la pyramide. Ceci est censé attirer les “talents” vers les postes à responsabilité. Aujourd'hui, il semblerait que ces talents soient majoritairement détenus par des hommes blancs issus de milieux favorisés.

Cette hiérarchie implique des supérieurs et des inférieurs, des ordres qui sont émis en haut et exécutés en bas. Difficile d'imaginer toutes les répercussions psychologiques d'une telle répartition des rôles, qui généralement ne change pas trop au cours d'une vie. Mais on peut suggérer que les effets sont humiliants et infantilisants pour le bas de la hiérarchie. En haut, l'égo est exagérément boosté, chez des cadres qui parfois, en revanche, peuvent souffrir de porter à eux seuls une charge de travail et des responsabilités qui devraient être partagées.

Parfois, dans les petites entreprises, la hiérarchie semble s'effacer, généralement par souci d'efficacité et de convivialité. Mais, en fond, les rapports ne sont pas naturels, et on ne se permettra pas de répondre de la même manière à un collègue, qu'à un supérieur.

Cet état de fait habitue une large partie d'entre nous à être écartés des prises de décisions, réduits à de simples exécutants, tandis qu'une minorité s'habitue à décider pour les autres. Les défauts de notre démocratie actuelle ne sont sûrement pas étrangers au pouvoir tyrannique exécuté par et dans les entreprises.

La spécialisation

Un autre trait caractéristique de l'organisation du travail est sa spécialisation. C'est-à-dire que chaque employé réalise une tâche précise au sein de l'entreprise, et rien d'autre. Au bout d'un moment, c'est chiant.

Alors, on change de poste, mais l'ennui s'installe à nouveau, car quel que soit le boulot, il reste toujours le même. Nos carrières sont un peu à cette image, et nous nous spécialisons en général dans une certaine voie. Parfois nous finissons par devenir bons dans notre métier, en revanche, toutes nos autres compétences sont à coup sûr sacrifiées. Oubliant notre curiosité, notre ouverture d'esprit, nos désirs d'évolution et de nouveauté, nous nous enfermons dans des gestes identiques, répétés à l'infini. L'esprit est abruti et le corps abimé.

Cette spécialisation a un autre effet pervers. A l'image de la hiérarchie qui justifie et maintient la domination masculine, blanche et riche, la spécialisation permet de réserver certains secteurs d'activité à certains “types” de personnes. Notamment, les tâches les plus dévalorisées socialement, seront réservées aux personnes les plus dévalorisées. Le nettoyage, la surveillance, le bâtiment sont donc réservés aux personnes étrangères et pauvres. Le secrétariat sera réservé aux femmes, et ainsi de suite.

Le travail en miettes

Notre labeur est répétitif et sa portée extrêmement réduite, à la limite de l'insignifiance; il est compliqué pour nous de nous apercevoir en quoi nous contribuons à ce tout, qu'on appelle société.

Chacun exécute sa tâche, sa fonction parcellaire, sans avoir aucune prise sur la finalité de son travail, ni sur la totalité.

L'intelligence, la communication, la solidarité sont brisées. Le sens de notre vie nous échappe, tout comme notre avenir, à commencer par l'instant présent.

En fin de compte, c'est la société qui est en miettes. Elle ressemble de plus en plus à un agrégat d'individus solitaires, oscillant entre fatigue et insouciance.