Répondre à la "valeur travail"
Une fiche à conserver sur soi en toute circonstance: réunion de famille, repas entre collègues, au bistrot, entretien de fin d'annéee, etc. 1
Valeur travail = morale travail
- La morale du travail n'est pas un fait naturel, un "absolu", elle est une création culturelle.
- L'illustion de pouvoir grimper plus haut est grisante. Alors nous vivons la vie bourgeoise, par procuration. Nos modes de vie n'en sont qu'une pâle copie, à l'image du saumon fumé sous emballage. Nous copions le mode de vie bourgeois, mais aussi sa morale et sa vision du monde. Et nous méprisons ceux qui sont situés "en-dessous" de nous dans l'échelle sociale.
- Comme toute règle morale, celle du travail n'est pas toujours observée par pure bonté du coeur, mais bien plus souvent par crainte: de se faire prendre, d'échouer, de se différencier, de prendre des risques, de penser par soi-même et sans préjugés, etc.
- Comme toute morale, celle du travail nous évite le fardeau de réfléchir à un tas de choses, notamment aux conséquences de nos actes.
- Comme toute morale, celle du travail n'est pas réfléchie, questionnée ou débattue: ce serait immoral. Alors, elle doit être appliquée tout le temps, en toute circonstance, comme la loi. C'est ce qui explique que bosser dans l'armement ou dans le nucléaire est égal d'un point de vue "valeur travail" à bosser dans l'éducation ou la santé.
Le travail a-t-il de la valeur?
- Les différences de salaire sont hallucinantes (entre un footballeur pro et un éboueur, par exemple)
- Les différences de salaire ne reflètent en rien l'utilité ou la "moralité" d'un travail
- “travailler plus pour gagner plus”, jolie reconnaissance de la véritable finalité du travail
- Le système capitaliste est inefficace car pour enrichir une personne, mille personnes doivent vivre dans la pauvreté. L'immoralité est inhérente au capitalisme, qui permet l'accumulation sans limites.
- Mettons de côté ce modèle d'exploitation des pauvres par les riches, on va imaginer qu'il est moral. On va imaginer aussi qu'il est moral de mieux rémunérer un politicien qu'un agriculteur. Quels comportements nous inculque-t-on en entreprise? La compétition, la loi du plus fort, du profit avant tout, la soumission à l'autorité, le conformisme, le mensonge, l'opacité, la surveillance mutuelle, la délation... On nous apprend à jouer des coudes, à marcher sur les autres pour arriver en haut. On nous demande d'abandonner notre vie de famille, nos aspirations de justice, de vérité et de liberté. En somme, on nous demande de capituler nos valeurs et notre morale.
Morale de la désertion
- Aujourd'hui, le travail est mécanisé, robotisé, informatisé. Nous avons de moins en moins besoin de travailleurs humains.
- La richesse (financière) est abondante.
- En France, nous ne sommes pas en situation de crise humanitaire, de guerre ou de reconstruction. Alors pourquoi tant d'acharnement au travail?
- Quel sens donner au travail collectif? Notre travail est-il réellement socialisant, ou socialement utile?
- Si on observe les conséquences écologiques et politiques de notre excès de zèle, on pourrait se demander s'il ne serait pas plus moral de ne pas travailler au-delà de nos besoins de base.
- Très peu de personnes supportent l'inactivité. Nous devons arrêter de nous imaginer comme quelqu'un d'extrêment motivé, entouré par une masse de fainéants, c'est une vision erronée bourrée dans notre crâne par des personnes peu recommandables. Cette vision est peut-être aussi un chouilla révélatrice de nos fantasmes inconscients de travailleurs usés?
- Nous devons cesser de nous mesurer les uns aux autres en terme d'utilité. Nous ne sommes ni des outils ni des agents économiques. Nous sommes des êtres humains, libres et créatifs.
- Si nous travaillons, c'est aussi car nous éprouvons l'envie naturelle de participer à la vie collective, de construire quelquechose.
- S'il est si évident pour nous de vouloir être utile socialement, pourquoi alors nous forcer la main?
- Pourquoi punir la paresse, bien moins grave que l'avidité, le mensonge, le vol, le meurtre? Tous des péchés institutionnalisés par la société.
- Même si ce n'était pas immoral de ne rien faire, nous ne saurions manger de ce pain car nous sommes bien trop agités pour rester en place plus de cinq minutes.
- Mais l'oisiveté peut être vécue de tellement de manières positives: le jeu, la contemplation, la détente, la promenade... En plus de mère oisiveté, nous pouvons choisir entre l'art, la connaissance, l'activité physique, le militantisme... Qui peut sérieusement se consacrer à ces activités tout en travaillant à temps plein? Et ces activités-là, ne sont-elles pas nobles, dignes de notre intérêt? Peut-être nous sous-estimons-nous, en les laissant aux professionnels?
- “Mais il y aura toujours besoin de travail!” => Pour ce qui est du secteur de la santé, par exemple, rendons-nous bien compte que les trois quarts des consultations des médecins sont pour des maladies du stress, et que le travail génère une part importante de nos maladies et accidents pour lesquels nous nous retrouvons à l'hôpital.
- Nous pouvons "reprivatiser" une partie du travail "socialisé", comme le ménage, la cuisine, la réparation des vêtements, etc. Ces activités sont autonomisantes, apaisantes et créatives.
- Au niveau collectif, il y aurait énormément de choses à faire. Enfin, à défaire surtout. Pour cela, il ne paraît pas irréaliste de décider collectivement des tâches collectives prioritaires, ainsi que de la manière de répartir l'effort. Ce serait là un véritable travail collectif et démocratique, aux motivations plus généreuses que celles d'une entreprise, dont les intérêts sont privés.
L'argument existentiel
- Il y a tellement de choses à dire de l'impact du travail sur notre qualité de vie, nos relations, notre santé...
- Finalement, le travail est aujourd'hui coupé de tout un tas de choses: l'accomplissement personnel, l'utilité sociale, la socialisation... On nous dit, et nous nous répétons, que ces choses ne se trouvent que dans le travail. En réalité, ce n'est que pour mieux nous faire bosser car ces choses là se trouvent partout sauf dans le travail.
- Le travail est coupé du plaisir, de la contemplation, de la générosité, de l'entraide, de la paix intérieure, de la communication.
- Si Dieu existait, et voulait faire régner sa morale sur Terre, il abolirait le travail. Ainsi, chacun d'entre nous pourrait choisir sa propre destinée: le libre-arbitre, enfin! Nous pourrions nous reposer comme bon nous semble, profiter un peu de cette vie (puisqu'on n'en a qu'une, ne l'oublions pas), et vaquer à des occupations tantôt futiles, tantôt utiles, en pleine possession de nos moyens et de notre tête. Nos relations ne seraient plus fondées sur l'exploitation et l'utilisation de nos semblables.
- 1. Cette fiche est un résumé du texte La morale du travail