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8 heures par jour, 5 jours par semaine, 40 semaines par an, 40 ans de notre vie...

Nous consacrons au travail énormément de notre temps. Permettons-nous de nous interroger : cela en vaut-il vraiment la peine?

Il existe suffisamment d'arguments contre le travail pour remettre en cause ne serait-ce que sa place centrale dans nos vies:

  • les arguments "catastrophistes" que nous connaissons tous: les conséquences écologiques, le niveau hallucinant qu'atteignent aujourd'hui les inégalités sociales, la violence du nouveau management, etc. ;
  • les arguments que l'on pourrait qualifier de "justice sociale": après tout, le travail n'est que l'utilisation organisée et légiférée des pauvres par les riches ;
  • les arguments de "modération" : nous travaillons trop, et nous épuisons à la tâche. Nous épuisons aussi les réserves naturelles, en produisant trop de marchandises inutiles. Par ailleurs, passer notre vie au travail ne nous laisse pas le temps de faire face aux défis de notre époque ;
  • enfin, les arguments "existentiels".

Ce dernier type d'arguments consiste tout simplement à faire le bilan de nos modes de vies. Pour beaucoup d'entre nous, une vie alternant entre l'usine ou le bureau, les transports, le supermarché et les congés payés est une vie absurde, ennuyeuse, fatigante, sans surprise et, au bout du compte, déprimante. Est-ce si subversif de rêver d'une vie plus riche, libre et intense?

Ce n'est pas la première fois qu'on pose ces questions alors allons-y: qui donc a écrit les textes de ce site?

Premièrement, pour X raisons, l'anonymat est nécessaire pour moi. Ce serait agréable de pouvoir assumer les idées du site en portant mon nom comme un étendard, mais quand les idées sont à contre-courant, remettent en cause certaines lois et normes sociales essentielles, l'anonymat est une protection. Tout simplement, un jour, je serai peut-être à nouveau contraint de retrouver un emploi... Et quand l'employeur recrute, le premier réflexe de nos jours est de "googliser" le nom de l'heureux candidat au concours d'entrée dans sa belle et merveilleuse entreprise où l'épanouissement des employés rivalise avec la générosité de leur employeur.

C'est aussi une manière de s'effacer derrière les contributions des autres, car autant les textes que la réalisation technique du site s'appuient très largement sur l'écriture et la programmation de personnes plus compétentes que moi. Les textes ne sont que le résultat de recherches orientées, de compilation de textes, avec parfois une ou deux idées personnelles mais pas de quoi me vanter en tout cas.

Après de multiples demandes de votre part (des millions!) je dois dire que l'effort que je viens de décrire est un effort majoritairement solitaire et non collectif. A un moment de ma vie, la déprime devenait totalement floue, et quand j'ai voulu remonter la pente j'ai eu un mal fou à identifier les causes de ma souffrance. En voulant démêler les nœuds dans ma tête, je n'ai pas réussi à faire la part des choses entre souffrance au travail, problèmes de couple, JT catastrophiques en série, apathie, ennui et santé moyenne... J'ai fini par me dire que ces choses étaient inextricablement liées et que, pour m'en sortir, je ne pouvais me contenter de faire le bilan de mes défaillances personnelles, ni me contenter de montrer les autres du doigt.

Le travail est vite apparu comme étant au centre de mon malheur et beaucoup de mes galères étaient liées à celle-ci. J'ai trouvé que c'était vrai aussi pour les personnes que j'observais autour de moi. Même les personnes qui visiblement se sentaient bien dans leur vie avaient un comportement auto-satisfait, égoïste et indifférent aux problèmes des autres, et ce, à cause de notre culture. Ou, plutôt, de leur culture.

Je me suis mis à temps partiel, deux jours par semaine (mon salaire était réduit au minimum vital) et pendant deux ans et demi j'ai bossé sur ce site. Plus le temps passait, plus je réalisais une vérité simple. Vendre du pain, vendre des médicaments, ou encore vendre chaussures, c'est une chose. Se vendre soi-même (ou se mettre en location, pour être plus précis), c'est dégradant, humiliant. C'est une injustice historique qui fut courageusement combattue, mais cruellement réprimée. Aujourd'hui nous l'avons oublié et le salariat semble aller de soi comme une organisation sociale parfaitement naturelle. Mais comme toutes nos certitudes, celle-ci est d'une fragilité redoutable.

Lorsque tous les textes furent rédigés, je n'en étais pas tellement satisfait, j'en réécrirais bien la moitié, mais ça fait l'affaire. Mon objectif n'est pas d'être écrivain, et je pense que les lecteurs se satisferont du niveau littéraire. Le fond est plus important que la forme, dans notre cas. Car je n'ai aucune intention de m'adresser aux managers, même s'ils sont les bienvenus. De même pour les instituteurs, les élus, les entrepreneurs et autres "porteurs d'innovation". Je n'ai pas la prétention de les convaincre, et ça ne m'intéresse pas. Je veux m'adresser à celles et ceux qui souffrent du travail, non pas à celles et ceux qui en profitent. Je veux que nous puissions assumer notre dégoût du salariat, assumer la désertion et découvrir/partager les techniques permettant de s'émanciper dès maintenant de l'exploitation de classe.

Je revendique la dignité pour tous. J'appelle à la désertion du travail car la pollution atteint des limites insupportables et parce que les petites gens, bien plus vertueuses que leurs dirigeants, ont besoin d'être libérées. Aucun bourgeois, aucun intellectuel, aucun journaliste, aucun politicien ne nous sortira de ce merdier. Seule l'organisation horizontale et la gestion par nous-mêmes des affaires qui nous concernent peuvent mettre fin au suicide collectif. Démocratie partout, dans toutes les institutions et toutes les entreprises.

Après quelques années de boulot à temps partiel, je me suis fait licencier en écrivant à tous les actionnaires de mon entreprise, leur disant qu'aujourd'hui, il n'y a pas de quoi être fier, quand on est assis sur des millions. Je retrouve ce sentiment de liberté quand je me réveille le matin, cette impatience de tout foutre en l'air et de s'amuser en attendant. Surtout, d'ouvrir sa tronche. Je le recommande vivement, à tout le monde: sortez du silence, vous adorerez la sensation de folie maîtrisée, de colère légitime intelligemment exprimée! Gueulez au minimum cinq fois par jour, c'est bon pour le cœur.

Pour finir, un grand bonjour à tous les voyageurs qui m'écrivent. En effet, la plupart des messages que je reçois parlent de cam'tards, alors salut à toi, camarade nomade! Maintenant que je touche l'Aide au Retour à l'Emploi, peut-être qu'on se croisera sur la route...